AN 8.12
Sīha Sutta
— La conversion du général Siha —

Le général Siha, un adepte des Niganthas (Jaïns) vient voir le Bouddha, qui désamorce habilement les controverses qu'on cherche à lui opposer. Siha devient un disciple et parvient au courant.




Pāḷi



ekaṃ samayaṃ bhagavā vesāliyaṃ viharati mahāvane kūṭāgārasālāyaṃ. tena kho pana samayena sambahulā abhiññātā abhiññātā licchavī santhāgāre sannisinnā sannipatitā anekapariyāyena buddhassa vaṇṇaṃ bhāsanti, dhammassa vaṇṇaṃ bhāsanti, saṅghassa vaṇṇaṃ bhāsanti.

Français



Un jour, le Fortuné séjournait près de Vessali, dans le grand bois, dans la salle [couverte d'un] toit pointu. Ce jour-là, un certain nombre de Litchavis distingués se tenait assis réunis dans la salle d'assemblée à faire de diverses manières l'éloge du Bouddha, à faire l'éloge du Dhamma, et à faire l'éloge de la Communauté.

tena kho pana samayena sīho senāpati nigaṇṭhasāvako tassaṃ parisāyaṃ nisinno hoti. atha kho sīhassa senāpatissa etadahosi: “nissaṃsayaṃ kho so bhagavā arahaṃ sammāsambuddho bhavissati, tathā hime sambahulā abhiññātā abhiññātā licchavī santhāgāre sannisinnā sannipatitā anekapariyāyena buddhassa vaṇṇaṃ bhāsanti, dhammassa vaṇṇaṃ bhāsanti, saṅghassa vaṇṇaṃ bhāsanti. yaṃnūnāhaṃ taṃ bhagavantaṃ dassanāya upasaṅkameyyaṃ arahantaṃ sammāsambuddhan”ti. atha kho sīho senāpati yena nigaṇṭho nāṭaputto tenupasaṅkami; upasaṅkamitvā nigaṇṭhaṃ nāṭaputtaṃ etadavoca:

Ce jour-là, le général Siha, un disciple des Niganthas, était assis au sein de cette assemblée. Alors le général Siha se dit: 'Sans nul doute, ce Fortuné doit être un arahant véritablement éveillé, puisqu'un certain nombre de ces Litchavis distingués se tient assis réunis dans la salle d'assemblée à faire de diverses manières l'éloge du Bouddha, à faire l'éloge du Dhamma, et à faire l'éloge de la Communauté. Et si j'allais voir ce Fortuné, cet arahant véritablement éveillé?' Alors le général Siha alla voir le Nigantha Natapoutta et lui dit:

— “icchāmahaṃ, bhante, samaṇaṃ gotamaṃ dassanāya upasaṅkamitun”ti.

Bhanté, je souhaite aller voir le renonçant Gotama.

— “kiṃ pana tvaṃ, sīha, kiriyavādo samāno akiriyavādaṃ samaṇaṃ gotamaṃ dassanāya upasaṅkamissasi? samaṇo hi, sīha, gotamo akiriyavādo, akiriyāya dhammaṃ deseti, tena ca sāvake vinetī”ti.

— Siha, pour quelle raison, toi qui souscris à la doctrine de l'action, irais-tu voir le renonçant Gotama, qui prône une doctrine de la non-action? En effet, Siha, le renonçant Gotama prône une doctrine de la non-action, il professe un enseignement visant à la non-action et y entraîne ses disciples.

atha kho sīhassa senāpatissa yo ahosi gamiyābhisaṅkhāro bhagavantaṃ dassanāya, so paṭippassambhi.

Alors l'intention qu'avait le général Siha d'aller voir le Fortuné se dissipa.

dutiyampi kho sambahulā abhiññātā abhiññātā licchavī santhāgāre sannisinnā sannipatitā anekapariyāyena buddhassa vaṇṇaṃ bhāsanti, dhammassa vaṇṇaṃ bhāsanti, saṅghassa vaṇṇaṃ bhāsanti. dutiyampi kho sīhassa senāpatissa etadahosi: “nissaṃsayaṃ kho so bhagavā arahaṃ sammāsambuddho bhavissati, tathā hime sambahulā abhiññātā abhiññātā licchavī santhāgāre sannisinnā sannipatitā anekapariyāyena buddhassa vaṇṇaṃ bhāsanti, dhammassa vaṇṇaṃ bhāsanti, saṅghassa vaṇṇaṃ bhāsanti. yaṃnūnāhaṃ taṃ bhagavantaṃ dassanāya upasaṅkameyyaṃ arahantaṃ sammāsambuddhan”ti. atha kho sīho senāpati yena nigaṇṭho nāṭaputto tenupasaṅkami; upasaṅkamitvā nigaṇṭhaṃ nāṭaputtaṃ etadavoca:

Une deuxième fois, un certain nombre de Litchavis distingués se tenait assis réunis dans la salle d'assemblée à faire de diverses manières l'éloge du Bouddha, à faire l'éloge du Dhamma, et à faire l'éloge de la Communauté. Une deuxième fois, le général Siha se dit: 'Sans nul doute, ce Fortuné doit être un arahant véritablement éveillé, puisqu'un certain nombre de ces Litchavis distingués se tient assis réunis dans la salle d'assemblée à faire de diverses manières l'éloge du Bouddha, à faire l'éloge du Dhamma, et à faire l'éloge de la Communauté. Et si j'allais voir ce Fortuné, cet arahant véritablement éveillé?' Alors le général Siha alla voir le Nigantha Natapoutta et lui dit:

— “icchāmahaṃ, bhante, samaṇaṃ gotamaṃ dassanāya upasaṅkamitun”ti.

Bhanté, je souhaite aller voir le renonçant Gotama.

— “kiṃ pana tvaṃ, sīha, kiriyavādo samāno akiriyavādaṃ samaṇaṃ gotamaṃ dassanāya upasaṅkamissasi? samaṇo hi, sīha, gotamo akiriyavādo, akiriyāya dhammaṃ deseti, tena ca sāvake vinetī”ti.

— Siha, pour quelle raison, toi qui souscris à la doctrine de l'action, irais-tu voir le renonçant Gotama, qui prône une doctrine de la non-action? En effet, Siha, le renonçant Gotama prône une doctrine de la non-action, il professe un enseignement visant à la non-action et y entraîne ses disciples.

dutiyampi kho sīhassa senāpatissa yo ahosi gamiyābhisaṅkhāro bhagavantaṃ dassanāya, so paṭippassambhi.

Alors une deuxième fois, l'intention qu'avait le général Siha d'aller voir le Fortuné se dissipa.

tatiyampi kho sambahulā abhiññātā abhiññātā licchavī santhāgāre sannisinnā sannipatitā anekapariyāyena buddhassa vaṇṇaṃ bhāsanti, dhammassa vaṇṇaṃ bhāsanti, saṅghassa vaṇṇaṃ bhāsanti. tatiyampi kho sīhassa senāpatissa etadahosi: “nissaṃsayaṃ kho so bhagavā arahaṃ sammāsambuddho bhavissati, tathā hime sambahulā abhiññātā abhiññātā licchavī santhāgāre sannisinnā sannipatitā anekapariyāyena buddhassa vaṇṇaṃ bhāsanti, dhammassa vaṇṇaṃ bhāsanti, saṅghassa vaṇṇaṃ bhāsanti. kiṃ hime karissanti nigaṇṭhā apalokitā vā anapalokitā vā? yaṃnūnāhaṃ anapaloketvāva nigaṇṭhe taṃ bhagavantaṃ dassanāya upasaṅkameyyaṃ arahantaṃ sammāsambuddhan”ti.

Une troisième fois, un certain nombre de Litchavis distingués se tenait assis réunis dans la salle d'assemblée à faire de diverses manières l'éloge du Bouddha, à faire l'éloge du Dhamma, et à faire l'éloge de la Communauté. Une troisième fois, le général Siha se dit: 'Sans nul doute, ce Fortuné doit être un arahant véritablement éveillé, puisqu'un certain nombre de ces Litchavis distingués se tient assis réunis dans la salle d'assemblée à faire de diverses manières l'éloge du Bouddha, à faire l'éloge du Dhamma, et à faire l'éloge de la Communauté. Qu'est-ce que les Niganthas feront, que j'aie ou non obtenu leur approbation? Et si j'allais voir ce Fortuné, cet arahant véritablement éveillé sans obtenir l'approbation des Niganthas?'

atha kho sīho senāpati pañcamattehi rathasatehi divādivassa vesāliyā niyyāsi bhagavantaṃ dassanāya. yāvatikā yānassa bhūmi, yānena gantvā yānā paccorohitvā pattikova agamāsi. atha kho sīho senāpati yena bhagavā tenupasaṅkami; upasaṅkamitvā bhagavantaṃ abhivādetvā ekamantaṃ nisīdi. ekamantaṃ nisinno kho sīho senāpati bhagavantaṃ etadavoca:

Alors le général Siha sortit de Vessali au plus fort de la journée avec un certain nombre de chars pour aller voir le Fortuné. Il alla avec son véhicule aussi loin que l'état du sol le permettait, puis descendit de son véhicule et continua à pied. Le général Siha alla voir le Fortuné, lui rendit hommage, puis s'assit d'un côté. Une fois assis là, le général Siha dit au Fortuné:

“sutaṃ metaṃ, bhante: ‘akiriyavādo samaṇo gotamo, akiriyāya dhammaṃ deseti, tena ca sāvake vinetī’ti. ye te, bhante, evamāhaṃsu: ‘akiriyavādo samaṇo gotamo, akiriyāya dhammaṃ deseti, tena ca sāvake vinetī’ti, kacci te, bhante, bhagavato vuttavādino na ca bhagavantaṃ abhūtena abbhācikkhanti dhammassa cānudhammaṃ byākaronti na ca koci sahadhammiko vādānuvādo gārayhaṃ ṭhānaṃ āgacchati? anabbhakkhātukāmā hi mayaṃ, bhante, bhagavantan”ti.

Bhanté, j'ai entendu dire ceci: 'Le renonçant Gotama prône une doctrine de la non-action, il professe un enseignement visant à la non-action et y entraîne ses disciples.' Est-ce que ceux qui déclarent que le renonçant Gotama prône une doctrine de la non-action, qu'il professe un enseignement visant à la non-action et y entraîne ses disciples répètent ce qui a été dit par le Fortuné et évitent de le représenter faussement avec ce qui est incorrect? Est-ce qu'ils parlent en toute vérité, sans être sujets à un légitime reproche? Car nous ne voudrions pas parler faussement du Fortuné.

“atthi, sīha, pariyāyo, yena maṃ pariyāyena sammā vadamāno vadeyya: ‘akiriyavādo samaṇo gotamo, akiriyāya dhammaṃ deseti, tena ca sāvake vinetī’”ti.

Siha, il y a une manière de présenter les choses par laquelle quelqu'un parlant correctement pourrait dire de moi: 'Le renonçant Gotama prône une doctrine de la non-action, il professe un enseignement visant à la non-action et y entraîne ses disciples.'

“atthi, sīha, pariyāyo, yena maṃ pariyāyena sammā vadamāno vadeyya: ‘kiriyavādo samaṇo gotamo, kiriyāya dhammaṃ deseti, tena ca sāvake vinetī’”ti.

Siha, il y a une manière de présenter les choses par laquelle quelqu'un parlant correctement pourrait dire de moi: 'Le renonçant Gotama prône une doctrine de l'action, il professe un enseignement visant à l'action et y entraîne ses disciples.'

“atthi, sīha, pariyāyo, yena maṃ pariyāyena sammā vadamāno vadeyya: ‘ucchedavādo samaṇo gotamo, ucchedāya dhammaṃ deseti, tena ca sāvake vinetī’”ti.

Siha, il y a une manière de présenter les choses par laquelle quelqu'un parlant correctement pourrait dire de moi: 'Le renonçant Gotama prône une doctrine de l'annihilation, il professe un enseignement visant à l'annihilation et y entraîne ses disciples.'

“atthi, sīha, pariyāyo, yena maṃ pariyāyena sammā vadamāno vadeyya: ‘jegucchī samaṇo gotamo, jegucchitāya dhammaṃ deseti, tena ca sāvake vinetī’”ti.

Siha, il y a une manière de présenter les choses par laquelle quelqu'un parlant correctement pourrait dire de moi: 'Le renonçant Gotama est dégoûté, il professe un enseignement visant au dégoût et y entraîne ses disciples.'

“atthi, sīha, pariyāyo, yena maṃ pariyāyena sammā vadamāno vadeyya: ‘venayiko samaṇo gotamo, vinayāya dhammaṃ deseti, tena ca sāvake vinetī’”ti.

Siha, il y a une manière de présenter les choses par laquelle quelqu'un parlant correctement pourrait dire de moi: 'Le renonçant Gotama est un nihiliste, il professe un enseignement visant à l'élimination et y entraîne ses disciples.'

“atthi, sīha, pariyāyo, yena maṃ pariyāyena sammā vadamāno vadeyya: ‘tapassī samaṇo gotamo, tapassitāya dhammaṃ deseti, tena ca sāvake vinetī’”ti.

Siha, il y a une manière de présenter les choses par laquelle quelqu'un parlant correctement pourrait dire de moi: 'Le renonçant Gotama est un mortificateur, il professe un enseignement visant à la mortification et y entraîne ses disciples.'

“atthi, sīha, pariyāyo, yena maṃ pariyāyena sammā vadamāno vadeyya: ‘apagabbho samaṇo gotamo, apagabbhatāya dhammaṃ deseti, tena ca sāvake vinetī’”ti.

Siha, il y a une manière de présenter les choses par laquelle quelqu'un parlant correctement pourrait dire de moi: 'Le renonçant Gotama timide, il professe un enseignement visant à la timidité et y entraîne ses disciples.'

“atthi, sīha, pariyāyo, yena maṃ pariyāyena sammā vadamāno vadeyya: ‘assāsako samaṇo gotamo, assāsāya dhammaṃ deseti, tena ca sāvake vinetī’”ti.

Siha, il y a une manière de présenter les choses par laquelle quelqu'un parlant correctement pourrait dire de moi: 'Le renonçant Gotama prône le confort, il professe un enseignement visant au confort et y entraîne ses disciples.'

“katamo ca, sīha, pariyāyo, yena maṃ pariyāyena sammā vadamāno vadeyya: ‘akiriyavādo samaṇo gotamo, akiriyāya dhammaṃ deseti, tena ca sāvake vinetī’ti? ahañhi, sīha, akiriyaṃ vadāmi kāyaduccaritassa vacīduccaritassa manoduccaritassa; anekavihitānaṃ pāpakānaṃ akusalānaṃ dhammānaṃ akiriyaṃ vadāmi. ayaṃ kho, sīha, pariyāyo, yena maṃ pariyāyena sammā vadamāno vadeyya: ‘akiriyavādo samaṇo gotamo, akiriyāya dhammaṃ deseti, tena ca sāvake vinetī’”ti.

Et quelle est, Siha, la manière de présenter les choses par laquelle quelqu'un parlant correctement pourrait dire de moi: 'Le renonçant Gotama prône une doctrine de la non-action,{1} il professe un enseignement visant à la non-action et y entraîne ses disciples'? Siha, je prône en effet la non-action en ce qui concerne la méconduite corporelle, la méconduite verbale, la méconduite mentale, et je prône la non-action en ce qui concerne les états désavantageux et malsains divers et variés. Voici, Siha, quelle est la manière de présenter les choses par laquelle quelqu'un parlant correctement pourrait dire de moi: 'Le renonçant Gotama prône une doctrine de la non-action, il professe un enseignement visant à la non-action et y entraîne ses disciples'.

“katamo ca, sīha, pariyāyo, yena maṃ pariyāyena sammā vadamāno vadeyya: ‘kiriyavādo samaṇo gotamo, kiriyāya dhammaṃ deseti, tena ca sāvake vinetī’ti? ahañhi, sīha, kiriyaṃ vadāmi kāyasucaritassa vacīsucaritassa manosucaritassa; anekavihitānaṃ kusalānaṃ dhammānaṃ kiriyaṃ vadāmi. ayaṃ kho, sīha, pariyāyo, yena maṃ pariyāyena sammā vadamāno vadeyya: ‘kiriyavādo samaṇo gotamo, kiriyāya dhammaṃ deseti, tena ca sāvake vinetī’”ti.

Et quelle est, Siha, la manière de présenter les choses par laquelle quelqu'un parlant correctement pourrait dire de moi: 'Le renonçant Gotama prône une doctrine de l'action, il professe un enseignement visant à l'action et y entraîne ses disciples'? Siha, je prône en effet l'action en ce qui concerne la bonne conduite corporelle, la bonne conduite verbale, la bonne conduite mentale, et je prône l'action en ce qui concerne les états mentaux avantageux divers et variés. Voici, Siha, quelle est la manière de présenter les choses par laquelle quelqu'un parlant correctement pourrait dire de moi: 'Le renonçant Gotama prône une doctrine de l'action, il professe un enseignement visant à l'action et y entraîne ses disciples'.

“katamo ca, sīha, pariyāyo, yena maṃ pariyāyena sammā vadamāno vadeyya: ‘ucchedavādo samaṇo gotamo, ucchedāya dhammaṃ deseti, tena ca sāvake vinetī’ti? ahañhi, sīha, ucchedaṃ vadāmi rāgassa dosassa mohassa; anekavihitānaṃ pāpakānaṃ akusalānaṃ dhammānaṃ ucchedaṃ vadāmi. ayaṃ kho, sīha, pariyāyo, yena maṃ pariyāyena sammā vadamāno vadeyya: ‘ucchedavādo samaṇo gotamo, ucchedāya dhammaṃ deseti, tena ca sāvake vinetī’”ti.

Et quelle est, Siha, la manière de présenter les choses par laquelle quelqu'un parlant correctement pourrait dire de moi: 'Le renonçant Gotama prône une doctrine de l'annihilation,{2} il professe un enseignement visant à l'annihilation et y entraîne ses disciples'? Siha, je prône en effet l'annihilation de l'avidité, de l'aversion et de la délusion, et je prône l'annihilation des états désavantageux et malsains divers et variés. Voici, Siha, quelle est la manière de présenter les choses par laquelle quelqu'un parlant correctement pourrait dire de moi: 'Le renonçant Gotama prône une doctrine de l'annihilation, il professe un enseignement visant à l'annihilation et y entraîne ses disciples'.

“katamo ca, sīha, pariyāyo, yena maṃ pariyāyena sammā vadamāno vadeyya: ‘jegucchī samaṇo gotamo, jegucchitāya dhammaṃ deseti, tena ca sāvake vinetī’ti? ahañhi, sīha, jigucchāmi kāyaduccaritena vacīduccaritena manoduccaritena; jigucchāmi anekavihitānaṃ pāpakānaṃ akusalānaṃ dhammānaṃ samāpattiyā. ayaṃ kho, sīha, pariyāyo, yena maṃ pariyāyena sammā vadamāno vadeyya: ‘jegucchī samaṇo gotamo, jegucchitāya dhammaṃ deseti, tena ca sāvake vinetī’”ti.

Et quelle est, Siha, la manière de présenter les choses par laquelle quelqu'un parlant correctement pourrait dire de moi: 'Le renonçant Gotama est dégoûté,{3} il professe un enseignement visant au dégoût et y entraîne ses disciples'? Siha, je suis en effet dégoûté par la méconduite corporelle, la méconduite verbale, la méconduite mentale, et je suis dégoûté par l'entrée dans états désavantageux et malsains divers et variés. Voici, Siha, quelle est la manière de présenter les choses par laquelle quelqu'un parlant correctement pourrait dire de moi: 'Le renonçant Gotama est dégoûté, il professe un enseignement visant au dégoût et y entraîne ses disciples'.

“katamo ca, sīha, pariyāyo, yena maṃ pariyāyena sammā vadamāno vadeyya: ‘venayiko samaṇo gotamo, vinayāya dhammaṃ deseti, tena ca sāvake vinetī’ti? ahañhi, sīha, vinayāya dhammaṃ desemi rāgassa dosassa mohassa; anekavihitānaṃ pāpakānaṃ akusalānaṃ dhammānaṃ vinayāya dhammaṃ desemi. ayaṃ kho, sīha, pariyāyo, yena maṃ pariyāyena sammā vadamāno vadeyya: ‘venayiko samaṇo gotamo, vinayāya dhammaṃ deseti, tena ca sāvake vinetī’”ti.

Et quelle est, Siha, la manière de présenter les choses par laquelle quelqu'un parlant correctement pourrait dire de moi: 'Le renonçant Gotama est un nihiliste,{4} il professe un enseignement visant à l'élimination et y entraîne ses disciples'? Siha, je professe en effet un enseignement visant à l'élimination de l'avidité, de l'aversion et de la délusion, et je professe un enseignement visant à l'élimination des états désavantageux et malsains divers et variés. Voici, Siha, quelle est la manière de présenter les choses par laquelle quelqu'un parlant correctement pourrait dire de moi: 'Le renonçant Gotama est un nihiliste, il professe un enseignement visant à l'élimination et y entraîne ses disciples'.

“katamo ca, sīha, pariyāyo, yena maṃ pariyāyena sammā vadamāno vadeyya: ‘tapassī samaṇo gotamo, tapassitāya dhammaṃ deseti, tena ca sāvake vinetī’ti? tapanīyāhaṃ, sīha, pāpake akusale dhamme vadāmi kāyaduccaritaṃ vacīduccaritaṃ manoduccaritaṃ. yassa kho, sīha, tapanīyā pāpakā akusalā dhammā pahīnā ucchinnamūlā tālāvatthukatā anabhāvaṃkatā āyatiṃ anuppādadhammā, tamahaṃ ‘tapassī’ti vadāmi. tathāgatassa kho, sīha, tapanīyā pāpakā akusalā dhammā pahīnā ucchinnamūlā tālāvatthukatā anabhāvaṃkatā āyatiṃ anuppādadhammā. ayaṃ kho, sīha, pariyāyo, yena maṃ pariyāyena sammā vadamāno vadeyya: ‘tapassī samaṇo gotamo, tapassitāya dhammaṃ deseti, tena ca sāvake vinetī’”ti.

Et quelle est, Siha, la manière de présenter les choses par laquelle quelqu'un parlant correctement pourrait dire de moi: 'Le renonçant Gotama est un mortificateur,{5} il professe un enseignement visant à la mortification et y entraîne ses disciples'? Siha, je dis en effet que les états désavantageux et malsains, ainsi que la méconduite corporelle, la méconduite verbale, et la méconduite mentale devraient être brûlés. Siha, je dis de celui qui a abandonné les états désavantageux et malsains devant être brûlés, qui les a coupés à la racine, qui les a rendus tels des souches de palmier, qui les a anéantis, qui les a rendus incapables de réapparaître dans le futur, qu'il est un brûleur/mortificateur. Siha, le Tathagata a abandonné les états désavantageux et malsains devant être brûlés, il les a coupés à la racine, il les a rendus tels des souches de palmier, il les a anéantis, et il les a rendus incapables de réapparaître dans le futur. Voici, Siha, quelle est la manière de présenter les choses par laquelle quelqu'un parlant correctement pourrait dire de moi: 'Le renonçant Gotama est un mortificateur, il professe un enseignement visant à la mortification et y entraîne ses disciples'.

“katamo ca, sīha, pariyāyo, yena maṃ pariyāyena sammā vadamāno vadeyya: ‘apagabbho samaṇo gotamo, apagabbhatāya dhammaṃ deseti, tena ca sāvake vinetī’ti? yassa kho, sīha, āyatiṃ gabbhaseyyā punabbhavābhinibbatti pahīnā ucchinnamūlā tālāvatthukatā anabhāvaṃkatā āyatiṃ anuppādadhammā, tamahaṃ ‘apagabbho’ti vadāmi. tathāgatassa kho, sīha, āyatiṃ gabbhaseyyā punabbhavābhinibbatti pahīnā ucchinnamūlā tālāvatthukatā anabhāvaṃkatā āyatiṃ anuppādadhammā. ayaṃ kho, sīha, pariyāyo, yena maṃ pariyāyena sammā vadamāno vadeyya: ‘apagabbho samaṇo gotamo, apagabbhatāya dhammaṃ deseti, tena ca sāvake vinetī’”ti.

Et quelle est, Siha, la manière de présenter les choses par laquelle quelqu'un parlant correctement pourrait dire de moi: 'Le renonçant Gotama est timide,{6} il professe un enseignement visant à la timidité et y entraîne ses disciples'? Siha, lorsque l'arrivée future dans le sein, l'existence & naissance renouvelée, est coupée à la racine, rendue telle une souche de palmier, anéantie, rendue incapable de réapparaître dans le futur, j'appelle en effet cela timidité/'non-renaissance'. Siha, le Tathagata a abandonné l'arrivée future dans le sein, l'existence & naissance renouvelée, il l'a coupée à la racine, rendue telle une souche de palmier, anéantie, et il l'a rendue incapable de réapparaître dans le futur. Voici, Siha, quelle est la manière de présenter les choses par laquelle quelqu'un parlant correctement pourrait dire de moi: 'Le renonçant Gotama est timide, il professe un enseignement visant à la timidité/non-renaissance et y entraîne ses disciples'.

“katamo ca, sīha, pariyāyo, yena maṃ pariyāyena sammā vadamāno vadeyya: ‘assāsako samaṇo gotamo, assāsāya dhammaṃ deseti, tena ca sāvake vinetī’ti? ahañhi, sīha, assāsako paramena assāsena, assāsāya dhammaṃ desemi, tena ca sāvake vinemi. ayaṃ kho, sīha, pariyāyo, yena maṃ pariyāyena sammā vadamāno vadeyya: ‘assāsako samaṇo gotamo, assāsāya dhammaṃ deseti, tena ca sāvake vinetī’”ti.

Et quelle est, Siha, la manière de présenter les choses par laquelle quelqu'un parlant correctement pourrait dire de moi: 'Le renonçant Gotama prône le confort,{7} il professe un enseignement visant au confort et y entraîne ses disciples'? Je prône en effet le confort, le confort le plus excellent, je professe un enseignement visant au confort et j'y entraîne mes disciples. Voici, Siha, quelle est la manière de présenter les choses par laquelle quelqu'un parlant correctement pourrait dire de moi: 'Le renonçant Gotama prône le confort, il professe un enseignement visant au confort et y entraîne ses disciples'.

evaṃ vutte sīho senāpati bhagavantaṃ etadavoca:

Lorsque cela fut dit, le général Siha dit au Fortuné:

— “abhikkantaṃ, bhante, abhikkantaṃ, bhante! seyyathāpi bhante, nikkujjitaṃ vā ukkujjeyya, paṭicchannaṃ vā vivareyya, mūḷhassa vā maggaṃ ācikkheyya, andhakāre vā telapajjotaṃ dhāreyya: ‘cakkhumanto rūpāni dakkhantī’ti; evamevaṃ bhagavatā anekapariyāyena dhammo pakāsito. esāhaṃ, bhante, bhagavantaṃ saraṇaṃ gacchāmi dhammañca bhikkhusaṅghañca. upāsakaṃ maṃ, bhante, bhagavā dhāretu ajjatagge pāṇupetaṃ saraṇaṃ gatan”ti

— C'est excellent, Bhanté, excellent! Tout comme on redresserait ce qui était renversé, ou bien on révélerait ce qui était caché, ou on montrerait le chemin à quelqu'un qui se serait perdu, ou on allumerait une lampe dans l'obscurité [en pensant:] “Ceux qui possèdent une bonne vue verront les formes”, de la même manière le Fortuné a expliqué le Dhamma de diverses façons. Bhanté, je vais en refuge au Fortuné, ainsi qu'au Dhamma et à la Communauté des mendiants. Que le Fortuné me retienne à l'esprit en tant que disciple laïc étant allé en refuge à compter d'aujourd'hui et pour la vie.

— “anuviccakāraṃ kho, sīha, karohi. anuviccakāro tumhādisānaṃ ñātamanussānaṃ sādhu hotī”ti.

— Réfléchis bien, Siha. Il est bon de bien réfléchir pour les hommes connus comme toi.

— “imināpāhaṃ, bhante, bhagavato bhiyyosomattāya attamano abhiraddho, yaṃ maṃ bhagavā evamāha: ‘anuviccakāraṃ kho, sīha, karohi. anuviccakāro tumhādisānaṃ ñātamanussānaṃ sādhu hotī’ti. mañhi, bhante, aññatitthiyā sāvakaṃ labhitvā kevalakappaṃ vesāliṃ paṭākaṃ parihareyyuṃ: ‘sīho amhākaṃ senāpati sāvakattaṃ upagato’ti. atha ca pana bhagavā evamāha: ‘anuviccakāraṃ, sīha, karohi. anuviccakāro tumhādisānaṃ ñātamanussānaṃ sādhu hotī’ti. esāhaṃ, bhante, dutiyampi bhagavantaṃ saraṇaṃ gacchāmi dhammañca bhikkhusaṅghañca. upāsakaṃ maṃ bhagavā dhāretu ajjatagge pāṇupetaṃ saraṇaṃ gatan”ti.

Bhanté, je suis encore plus ravi et satisfait du Fortuné, puisqu'il dit: 'Réfléchis bien, Siha. Il est bon de bien réfléchir pour les hommes connus comme toi.' Bhanté, si les hétérodoxes gagnent un disciple, ils font tourner la rumeur dans presque tout Vessali: "Le général Siha est devenu notre disciple'. Mais le Fortuné, quant à lui, dit: 'Réfléchis bien, Siha. Il est bon de bien réfléchir pour les hommes connus comme toi.' Pour la deuxième fois, Bhanté, je vais en refuge au Fortuné, ainsi qu'au Dhamma et à la Communauté des mendiants. Que le Fortuné me retienne à l'esprit en tant que disciple laïc étant allé en refuge à compter d'aujourd'hui et pour la vie.

— “dīgharattaṃ kho te, sīha, nigaṇṭhānaṃ opānabhūtaṃ kulaṃ, yena nesaṃ upagatānaṃ piṇḍakaṃ dātabbaṃ maññeyyāsī”ti.

— Depuis longtemps, Siha, ta famille a été une fontaine de dons pour le clan des Niganthas, tu devrais envisager de [continuer à] donner l'aumône à ceux qui viennent te voir.

— “imināpāhaṃ, bhante, bhagavato bhiyyosomattāya attamano abhiraddho, yaṃ maṃ bhagavā evamāha: ‘dīgharattaṃ kho te, sīha, nigaṇṭhānaṃ opānabhūtaṃ kulaṃ, yena nesaṃ upagatānaṃ piṇḍakaṃ dātabbaṃ maññeyyāsī’ti. sutaṃ metaṃ, bhante: ‘samaṇo gotamo evamāha: mayhameva dānaṃ dātabbaṃ, mayhameva sāvakānaṃ dātabbaṃ; mayhameva dinnaṃ mahapphalaṃ, na aññesaṃ dinnaṃ mahapphalaṃ; mayhameva sāvakānaṃ dinnaṃ mahapphalaṃ, na aññesaṃ sāvakānaṃ dinnaṃ mahapphalan’ti, atha ca pana maṃ bhagavā nigaṇṭhesupi dāne samādapeti. api ca, bhante, mayamettha kālaṃ jānissāma. esāhaṃ, bhante, tatiyampi bhagavantaṃ saraṇaṃ gacchāmi dhammañca bhikkhusaṅghañca. upāsakaṃ maṃ, bhante, bhagavā dhāretu ajjatagge pāṇupetaṃ saraṇaṃ gatan”ti.

Bhanté, je suis encore plus ravi et satisfait du Fortuné, puisqu'il dit: 'Depuis longtemps, Siha, ta famille a été une fontaine de dons pour le clan des Niganthas, tu devrais envisager de [continuer à] donner l'aumône à ceux qui viennent te voir.' Bhanté, j'ai entendu dire ceci: 'Le renonçant Gotama parle ainsi: "les dons ne devraient être donnés qu'à moi et à mes disciples, seul ce qui m'est donné à moi porte beaucoup de fruits, ce qui est donné aux autres ne porte pas beaucoup de fruits, seul ce qui est donné à mes disciples porte beaucoup de fruits, ce qui est donné aux disciples des autres ne porte pas beaucoup de fruits"', et pourtant le Fortuné m'incite à donner aussi aux Niganthas. Nous saurons quel est le bon moment pour cela. Pour la troisième fois, Bhanté, je vais en refuge au Fortuné, ainsi qu'au Dhamma et à la Communauté des mendiants. Que le Fortuné me retienne à l'esprit en tant que disciple laïc étant allé en refuge à compter d'aujourd'hui et pour la vie.

atha kho bhagavā sīhassa senāpatissa anupubbiṃ kathaṃ kathesi, seyyathidaṃ dānakathaṃ sīlakathaṃ saggakathaṃ, kāmānaṃ ādīnavaṃ okāraṃ saṃkilesaṃ nekkhamme ānisaṃsaṃ pakāsesi. yadā bhagavā aññāsi sīhaṃ senāpatiṃ kallacittaṃ muducittaṃ vinīvaraṇacittaṃ udaggacittaṃ pasannacittaṃ, atha yā buddhānaṃ sāmukkaṃsikā dhammadesanā taṃ pakāsesi: dukkhaṃ samudayaṃ nirodhaṃ maggaṃ. seyyathāpi nāma suddhaṃ vatthaṃ apagatakāḷakaṃ sammadeva rajanaṃ paṭiggaṇheyya; evamevaṃ sīhassa senāpatissa tasmiṃyeva āsane virajaṃ vītamalaṃ dhammacakkhuṃ udapādi: “yaṃ kiñci samudayadhammaṃ, sabbaṃ taṃ nirodhadhamman”ti.

Alors le Fortuné fit un discours progressif au général Siha, c'est à dire un discours sur les dons, sur la vertu, sur le paradis, il exposa le désavantage, la dégradation et l'impureté [des plaisirs] de la sensualité et le bienfait du renoncement. Lorsque le Fortuné sut que l'esprit du général Siha était disposé, souple, libéré des obstructions, réjoui et confiant, il exposa le discours des Bouddhas faisant l'éloge du Dhamma: le mal-être, son origine, sa cessation, la Voie. Tout comme un vêtement propre, sans tâche, prendrait complètement une coloration, de la même manière, [tandis qu'il était là] sur ce même siège, l'œil du Dhamma, immaculé et sans tache, apparut chez le général Siha: «Tout ce qui est par nature sujet à l'apparition est par nature voué à la cessation

atha kho sīho senāpati diṭṭhadhammo pattadhammo viditadhammo pariyogāḷhadhammo tiṇṇavicikiccho vigatakathaṃkatho vesārajjappatto aparappaccayo satthusāsane bhagavantaṃ etadavoca:

Alors le général Siha, ayant vu le Dhamma, ayant atteint le Dhamma, ayant connu le Dhamma, ayant pénétré le Dhamma, ayant traversé au-delà du doute, débarrassé de la confusion, ayant atteint la confiance en soi, sans dépendre d'un autre par rapport au message de l'Enseignant, dit au Fortuné:

— “adhivāsetu me, bhante, bhagavā svātanāya bhattaṃ saddhiṃ bhikkhusaṅghenā”ti.

Bhanté, que le Fortuné accepte [mon invitation à] un repas demain, avec la Communauté des mendiants.

adhivāsesi bhagavā tuṇhībhāvena.

Le Fortuné accepta en gardant le silence.

atha kho sīho senāpati bhagavato adhivāsanaṃ viditvā uṭṭhāyāsanā bhagavantaṃ abhivādetvā padakkhiṇaṃ katvā pakkāmi.

Alors le général Siha, ayant compris que le Fortuné avait accepté, se leva de son siège, rendit hommage au Fortuné en le tenant sur sa droite, et s'en alla.

atha kho sīho senāpati aññataraṃ purisaṃ āmantesi:

Plus tard, le général Siha s'adressa à un certain homme:

— “gaccha tvaṃ, ambho purisa, pavattamaṃsaṃ jānāhī”ti.

— Va, mon bon, trouve de la viande prête à acheter.

atha kho sīho senāpati tassā rattiyā accayena sake nivesane paṇītaṃ khādanīyaṃ bhojanīyaṃ paṭiyādāpetvā bhagavato kālaṃ ārocāpesi:

Alors le général Siha, lorsque cette nuit-là fut passée, ayant fait préparer dans son propre logis d'excellentes nourritures, de base et raffinée, fit informer le Fortuné que le moment était venu:

— “kālo, bhante! niṭṭhitaṃ bhattan”ti.

— Il est temps, Bhanté, le repas est prêt.

atha kho bhagavā pubbaṇhasamayaṃ nivāsetvā pattacīvaramādāya yena sīhassa senāpatissa nivesanaṃ tenupasaṅkami; upasaṅkamitvā paññatte āsane nisīdi saddhiṃ bhikkhusaṅghena. tena kho pana samayena sambahulā nigaṇṭhā vesāliyaṃ rathikāya rathikaṃ siṅghāṭakena siṅghāṭakaṃ bāhā paggayha kandanti:

Alors ce matin-là, le Fortuné s'habilla, emporta son bol et ses robes, se rendit au logis du général Siha et s'assit sur le siège préparé, avec la Communauté des mendiants. Ce jour-là, un certain nombre de Niganthas criaient en étendant les bras dans Vessali, [allant] de rue en rue, d'intersection en intersection:

— “ajja sīhena senāpatinā thūlaṃ pasuṃ vadhitvā samaṇassa gotamassa bhattaṃ kataṃ. taṃ samaṇo gotamo jānaṃ uddissakataṃ maṃsaṃ paribhuñjati paṭiccakamman”ti.

— Aujourd'hui, le général Siha a tué un gros animal et l'a donné à manger au renonçant Gotama. Le renonçant Gotama l'a mangée en sachant que cette viande [avait été préparée] pour lui, l'action [de tuer l'animal ayant été réalisée] exprès pour lui.

atha kho aññataro puriso yena sīho senāpati tenupasaṅkami; upasaṅkamitvā sīhassa senāpatissa upakaṇṇake ārocesi:

Alors un certain homme vint voir le général Siha et l'informa discrètement:

— “yagghe, bhante, jāneyyāsi! ete sambahulā nigaṇṭhā vesāliyaṃ rathikāya rathikaṃ siṅghāṭakena siṅghāṭakaṃ bāhā paggayha kandanti: ‘ajja sīhena senāpatinā thūlaṃ pasuṃ vadhitvā samaṇassa gotamassa bhattaṃ kataṃ. taṃ samaṇo gotamo jānaṃ uddissakataṃ maṃsaṃ paribhuñjati paṭiccakamman’ti.

Bhanté, il faut que vous sachiez! Un certain nombre de Niganthas crient en étendant les bras dans Vessali, [allant] de rue en rue, d'intersection en intersection: 'Aujourd'hui, le général Siha a tué un gros animal et l'a donné à manger au renonçant Gotama. Le renonçant Gotama l'a mangée en sachant que cette viande [avait été préparée] pour lui, l'action [de tuer l'animal ayant été réalisée] exprès pour lui.'

— alaṃ ayyo dīgharattañhi te āyasmanto avaṇṇakāmā buddhassa avaṇṇakāmā dhammassa avaṇṇakāmā saṅghassa. na ca panete āyasmanto jiridanti taṃ bhagavantaṃ asatā tucchā musā abhūtena abbhācikkhituṃ; na ca mayaṃ jīvitahetupi sañcicca pāṇaṃ jīvitā voropeyyāmā”ti.

— Cela suffit, gentilhomme. Depuis longtemps, ces vénérables prennent plaisir à dire du mal du Bouddha, du Dhamma et de la Communauté. Et ces vénérables n'ont pas de honte à calomnier le Fortuné avec ce qui est non-factuel, vide, mensonger et faux. Je ne priverais pas intentionnellement un être vivant de sa vie, même pour sauver la mienne.

atha kho sīho senāpati buddhappamukhaṃ bhikkhusaṅghaṃ paṇītena khādanīyena bhojanīyena sahatthā santappesi sampavāresi. atha kho sīho senāpati bhagavantaṃ bhuttāviṃ onītapattapāṇiṃ ekamantaṃ nisīdi. ekamantaṃ nisinnaṃ kho sīhaṃ senāpatiṃ bhagavā dhammiyā kathāya sandassetvā samādapetvā samuttejetvā sampahaṃsetvā uṭṭhāyāsanā pakkāmīti.

Alors le général Siha servit de ses propres mains et satisfit la Communauté des mendiants avec d'excellentes nourritures, de base et raffinée, en commençant par le Bouddha. Lorsque le Fortuné eut finit son repas et retiré sa main du bol, le général Siha s'assit d'un côté. Une fois assis là, le Fortuné ayant éclairé, exhorté, motivé et enthousiasmé le général Siha avec un discours sur le Dhamma, se leva de son siège et s'en alla.





Bodhi leaf


Notes


1. doctrine de la non-action: akiriya·vādo. Le commentaire à AN 4.30 définit le terme comme signifiant '“karoto na karīyati pāpan”ti evaṃ kiriyapaṭikkhepavādino', ce qui correspond à la doctrine de Pourana Kassapa, exposée à DN 2, et consistant essentiellement à nier qu'il y a une conséquence karmique aux actions:

"en agissant ou faisant agir d'autres personnes, en mutilant ou en obligeant d'autres personnes à mutiler, en torturant ou en obligeant d'autres personnes à torturer, en infligeant du chagrin ou en obligeant d'autres personnes à infliger du chagrin, en tourmentant ou obligeant d'autres personnes à tourmenter, en intimidant ou obligeant d'autres personnes à intimider, en prenant la vie, en prenant ce qui n'est pas donné, en cambriolant des maisons, en pillant la richesse, en commettant des vols, en brigandant sur les chemins, en commettant l'adultère, en disant des faussetés -- on ne fait pas de mal."

Le Bouddha était souvent accusé par des ascètes hétérodoxes (y compris les Jaïns) de prôner une 'doctrine de la non-action', ce qui est utilisé dans le Vinaya pour tenter vainement de dissuader les laïcs Mendaka et Siha d'aller rencontrer le Bouddha. À AN 2.35, le Bouddha se soustrait à la controverse en déclarant qu'il prône à la fois l'action et la non-action (ahaṃ, brāhmaṇa, kiriyavādī ca akiriyavādī ca), en donnant une explication identique à celle qu'il donne dans ce paragraphe et le suivant.

Ce faisant, il réinterprète le sens du terme kiriya, qu'il ne considère pas signifier 'conséquence de l'action' comme dans la théorie de Pourana Kassapa; il revient à son sens premier, grammatical, en tant que participe de nécessité du verbe karoti, avec le sens de 'ce qui devrait être fait'.

Ainsi, une manière plus littérale de traduire le passage 'je prône en effet la non-action en ce qui concerne la méconduite corporelle, la méconduite verbale, la méconduite mentale' serait 'je dis en effet que la méconduite corporelle, la méconduite verbale, la méconduite mentale ne devraient pas être faites'.


2. doctrine de l'annihilation: uccheda·vādo. Ici, le Bouddha est accusé d'adhérer à une doctrine qui est rejetée à DN 1: 'santi, bhikkhave, eke samaṇabrāhmaṇā ucchedavādā sato sattassa ucchedaṃ vināsaṃ vibhavaṃ paññapenti sattahi vatthūhi' (Il y a, mendiants, des renonçants & brahmanes qui croient en l'annihilation. Ils déclarent de sept manières leur croyance en l'annihilation, la destruction, la (future) non-existence des êtres qui sont actuellement en vie.) Les opinions erronées n°51 à 57 sont différentes versions de la doctrine de l'annihilation. Ce courant de pensée semble rejeter la renaissance, le fait qu'il y ait une vie après la mort. À SN 44.10, le Bouddha refuse de répondre à une question afin que son interlocuteur ne tire pas de sa réponse la fausse conclusion qu'il prônerait la doctrine de l'annihilation.


3. dégoûté: jegucchī. Le terme est utilisé dans les mêmes conditions au soutta suivant (AN 8.13) avec l'illustration d'un cheval pur-sang: 'jegucchī hoti uccāraṃ vā passāvaṃ vā abhinisīdituṃ vā abhinipajjituṃ vā' (il est dégoûté par le fait de s'asseoir ou se coucher près de l'urine ou des excréments), suivi du même exposé que dans le présent soutta.


4. nihiliste: venayiko. L'accusation est effectuée de manière plus élaborée et intelligible à MN 22: 'eke samaṇabrāhmaṇā asatā tucchā musā abhūtena abbhācikkhanti: ‘venayiko samaṇo gotamo, sato sattassa ucchedaṃ vināsaṃ vibhavaṃ paññāpetī’ti.' (j'ai été erronément, vainement, faussement, incorrectement représenté à tort par des brahmanes et des renonçants [qui disent]: 'Samana Gotama est un nihiliste. Il déclare l'annihilation, la destruction, l'extermination de l'être existant.')

Cette accusation semble très similaire à celle selon laquelle le Bouddha prône une doctrine de l'annihilation: le même mot, uccheda, est utilisé dans la description. La différence n'est peut-être que rhétorique, puisque le Bouddha donne presque exactement la même réponse dans les deux cas.

Il est difficile en Français de faire correspondre l'idée de nihilisme (ou d'annihilation spontanée de l'être au moment de la mort) exprimée par le terme venayiko avec celui utilisé ensuite, 'élimination' (vinayāya). Ainsi, les expressions 'nihiliste' et 'élimination' ne se correspondent pas dans la traduction française, bien qu'elles se correspondent dans le texte original.


5. mortificateur: tapassī. Il s'agit ici des ascètes pratiquant les austérités, comme le Bouddha lui-même l'avait fait avant son éveil (voir MN 12), ce qu'il déclare notamment à SN 56.11 être une voie 'douloureuse, ig·noble et non profitable', en opposition à la voie médiane. Le sujet des ascètes se mortifiant est également traité à SN 42.12. À noter en outre qu'en Pali, les expressions 'mortificateur' (tapassī) et 'devant/devraient être brûlés' (tapanīyā) se correspondent. Il n'existe pas d'expression qui permette ce glissement en Français.


6. timide: apagabbho. 'Timide' (ou prudent) correspond en fait à appagabbho. Le Bouddha semble jouer sur les mots et confondre intentionnellement ce terme avec apagabbho, signifiant 'qui n'entre pas dans un nouveau sein', autrement dit, qui n'aura plus de naissance dans le futur. Ce jeu de mots est intraduisible, c'est pourquoi les expressions ('timide' vs 'qui n'entre pas dans un nouveau sein') ne se correspondent pas dans la traduction française.


7. prône le confort: assāsako. Assāsa signifie respiration, expiration, facilité à respirer, soulagement, confort, réconfort, consolation. Le terme assāsako est cependant utilisé dans le Vinaya (Kd 1.22.10) dans le sens d'ambition, souhait, désir. Il semblerait que l'accusation soit ici l'inverse de celle selon laquelle le Bouddha serait un mortificateur: au lieu d'être trop dur, il serait maintenant trop relâché.



Traduction proposée par Bhikkhu Sekha.

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Publié comme un don du Dhamma,
pour être distribué librement, à des fins non lucratives.
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Le traducteur n'est pas (encore) un expert en Pali, et afin d'éviter toute erreur se réfère à des traductions déjà existantes; il espère néanmoins que les erreurs qui peuvent se glisser dans la traduction ne sont que minimes.


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