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MN 140
Dhātuvibhaṅga Sutta
— Un exposé sur les éléments matériels —
[ dhātu: élément matériel | vibhaṅga: exposé ]

Le Bouddha va à la rencontre de Pukkusāti, qui ne le reconnaît pas, et sans lui révéler son identité, il lui délivre un discours profond, comprenant avant tout une classifications des six éléments (dhātu: élément; vibhaṅga: classification), et abordant une variété de thèmes, entre autres les sensations, l'équanimité, la conceptualisation.



Evaṃ me sutaṃ:

Un jour, le Fortuné voyageait parmi les Magadhans. Il entra dans Rājagaha, se rendit chez le potier Bhaggava, et, à son arrivée, lui dit:

— Si cela ne te dérange pas, Bhaggava, je passerai une nuit dans ta remise.

— Cela ne me dérange pas du tout, Bhanté, mais il y a un renonçant qui s'y est déjà installé. S'il vous en donne permission, vous pourrez y rester à votre gré.

Or à cette époque, un homme de clan, du nom de Pukkusāti, avait quitté la vie de foyer pour le sans-foyer, par conviction, par dévouement envers le Fortuné.1 C'était lui qui s'était déjà installé dans la remise du potier. Le Fortuné s'approcha donc du vénérable Pukkusāti et lui dit:

— Si cela ne t'ennuie pas, mendiant, je passerai une nuit dans cette remise.

— Il y a de la place dans cette remise, mon ami.2 Restes-y à ton gré.

Alors, le Fortuné, entrant dans la remise du potier, et éparpillant un lit d'herbe d'un côté, s'assit jambes croisées, gardant le corps droit, et fixa son attention sur le devant [de son corps]. Il passa la plus grande partie de la nuit assis [en méditation]. Le vénérable Pukkusāti lui aussi passa la plus grande partie de la nuit assis [en méditation]. Alors le Fortuné pensa: 'La manière dont cet homme de clan se comporte inspire la confiance. Et si je l'interrogeais?' Il demanda donc au vénérable Pukkusāti:

Mendiant, au nom de qui as-tu quitté ton foyer? Qui est ton instructeur? De qui approuves-tu l'enseignement?

— Ami, répondit l'homme de clan, il y a le renonçant Gotama, un descendant des Sakyas, qui a quitté le clan des Sakyas pour le sans-foyer. Cette bonne réputation s'est répandue à propos de lui: le Fortuné est un arahant véritablement éveillé, accompli en théorie et en pratique, sublime connaisseur des mondes, entraîneur inégalé de ceux qui sont prêts à être domptés, l'Instructeur des êtres divins et humains, un Bouddha, un Fortuné. J'ai quitté mon foyé par dévouement envers ce Fortuné. Ce Fortuné est mon instructeur. C'est l'enseignement de ce Fortuné que j'approuve.

— Mais, mendiant, où ce Fortuné, cet arahant véritablement éveillé, se trouve-t-il maintenant?

— Il y a, mon ami, dans les pays du nord, une cité appelée Sāvatthī. C'est là que le Fortuné, l'arahant véritablement éveillé, séjourne en ce moment.

— As-tu déjà vu ce Fortuné auparavant? En le voyant, le reconnaîtrais-tu?

— Non, mon ami, je n'ai jamais vu le Fortuné auparavant, et en le voyant, je ne le reconnaîtrais pas.

Alors la pensée vint au Fortuné: 'C'est par dévouement envers moi que cet homme de clan a quitté son foyer. Ne devrais-je pas l'instruire?' Il dit donc au vénérable Pukkusāti:

— Je vais t'enseigner le Dhamma, mendiant. Ecoute et fais bien attention. Je vais parler.

— Oui, mon ami répondit le vénérable Pukkusāti.

Mendiant, cette personne a six propriétés, six bases de contact sensoriel, dix-huit considérations, et quatre fondations.3 Les courants de la conceptualisation ne s'écoulent pas chez celui qui se tient sur ces fondations. Et lorsque les courants de la conceptualisation ne s'écoulent pas, on dit de lui qu'il est un sage en paix. Il ne faut pas négliger la sagesse, il faut garder la vérité, cultiver la renonciation, et s'entraîner pour obtenir la paix. Voici en résumé l'exposition des six propriétés.

Il a été dit: 'Mendiant, cette personne a six propriétés.' En référence à quoi cela a-t-il été dit? Il y a les six propriétés: la propriété de la terre, la propriété liquide, la propriété du feu, et la propriété de l'air, la propriété spatiale et la propriété de conscience. Voici ce en référence à quoi il a été dit: 'Mendiant, cette personne a six propriétés.'

Il a été dit: 'Cette personne a six bases de contact sensoriel.' En référence à quoi cela a-t-il été dit? Il y a les six bases de contact sensoriel: la base de contact oculaire... auditif... olfactif... gustatif... corporel... la base de contact mental. Voici ce en référence à quoi il a été dit: 'Cette personne a six bases de contact sensoriel.'

Il a été dit: 'Cette personne a dix-huit considérations.' En référence à quoi cela a-t-il été dit? Il y a les dix-huit considérations: En voyant une forme avec l'œil, on considère une forme induisant la joie, une forme induisant l'affliction, ou une forme induisant l'équanimité. En entendant un son avec l'oreille... En sentant un arôme avec le nez... En goûtant une saveur avec la langue... En ressentant un toucher avec le corps... En connaissant une idée avec l'intellect, on considère une idée induisant la joie, une idée induisant l'affliction, ou une idée induisant l'équanimité. Il y a donc six considérations qui induisent la joie, six qui induisent l'affliction, et six qui induisent l'équanimité. Voici ce en référence à quoi il a été dit: 'Cette personne a dix-huit considérations.'

Il a été dit: 'Cette personne a quatre fondations.' En référence à quoi cela a-t-il été dit? Il y a les quatre fondations: la fondation de la sagesse, la fondation de la vérité, la fondation du renoncement, la fondation de la paix. Voici ce en référence à quoi il a été dit: 'Cette personne a quatre fondations.'

(la fondation de la sagesse)

Il a été dit: 'Il ne faut pas négliger la sagesse, il faut garder la vérité, cultiver la renonciation, et s'entraîner pour obtenir la paix.' En référence à quoi cela a-t-il été dit? Tout d'abord, comment ne néglige-t-on pas la sagesse? Il y a les six propriétés: la propriété de terre, la propriété liquide, la propriété du feu, la propriété de l'air, la propriété spatiale, la propriété de conscience.

Et qu'est-ce que la propriété de terre? La propriété de terre peut être interne ou externe. Quelle est la propriété de terre interne? Tout ce qui est interne, appartenant à soi-même, qui est dur, solide, et à quoi on s'est attaché: les cheveux, les poils, les ongles, les dents, la peau, les tendons, les os, la moëlle, les reins, le cœur, le foie, les membranes, la rate, les poumons, le gros intestin, l'intestin grêle, le contenu de l'estomac, les selles, ou tout autre chose qui est interne, appartenant à soi-même, qui est dure, solide, et à laquelle on s'est attaché: c'est ce qu'on appelle la propriété de terre interne. Maintentant, la propriété de terre interne et la propriété de terre externe sont simplement la propriété de terre. Et il faudrait la concevoir telle qu'elle est réellement présente avec la sagesse appropriée: 'Ceci n'est pas à moi, ceci n'est pas moi, ceci n'est pas moi-même.' Quand un mendiant la voit telle qu'elle est réellement présente avec la sagesse appropriée, il se désenchante de la propriété de terre, et elle s'estompe de l'esprit.

Et qu'est-ce que la propriété liquide? La propriété liquide peut être interne ou externe. Quelle est la propriété liquide interne? Tout ce qui est interne, appartenant à soi-même, qui est liquide, aqueux, et à quoi on s'est attaché: bile, phlegme, pus, sang, sueur, gras, larmes, huile, salive, mucus, synovie, urine, ou tout autre chose qui est interne, appartenant à soi-même, qui est liquide, aqueuse, et à laquelle on s'est attaché: c'est ce qu'on appelle la propriété liquide interne. Maintenant, la propriété liquide interne et la propriété liquide externe sont simplement la propriété liquide. Et il faudrait la concevoir telle qu'elle est réellement présente avec la sagesse appropriée: 'Ceci n'est pas à moi, ceci n'est pas moi, ceci n'est pas moi-même.' Quand un mendiant la voit telle qu'elle est réellement présente avec la sagesse appropriée, il se désenchante de la propriété liquide, et elle s'estompe de l'esprit.

Et qu'est-ce que la propriété du feu? La propriété du feu peut être interne ou externe. Quelle est la propriété du feu interne? Tout ce qui est interne, appartenant à soi-même, qui est chaud, brûlant, et à quoi on s'est attaché: ce par quoi [le corps] est réchauffé, vieilli, et consumé de fièvre; et ce par quoi ce qui est mangé, bu, mâché, et savouré est correctement digéré; ou tout autre chose qui est interne, appartenant à soi-même, qui est chaud, brûlant, et à quoi on s'est attaché: c'est ce qu'on appelle la propriété du feu interne. Maintenant, la propriété du feu interne et la propriété du feu externe sont simplement la propriété du feu. Et il faudrait la concevoir telle qu'elle est réellement présente avec la sagesse appropriée: 'Ceci n'est pas à moi, ceci n'est pas moi, ceci n'est pas moi-même.' Quand un mendiant la voit ainsi telle qu'elle est réellement avec la sagesse appropriée, il se désenchante de la propriété du feu, et elle s'estompe de l'esprit.

Et qu'est-ce que la propriété de l'air? La propriété de l'air peut être interne ou externe. Quelle est la propriété de l'air interne? Tout ce qui est interne, appartenant à soi-même, qui est aérien, éolien et à quoi on s'est attaché: les vents montants, les vents descendants, les vents dans l'estomac, les vents dans les intestins, les vents qui traversent le corps, l'inspiration et l'expiration, ou tout autre chose qui est interne, appartenant à soi-même, qui est aérien, éolien et à quoi on s'est attaché: c'est ce qu'on appelle la propriété de l'air interne. Maintenant, la propriété de l'air interne et la propriété de l'air externe sont simplement la propriété de l'air. Et il faudrait la concevoir telle qu'elle est réellement présente avec la sagesse appropriée: 'Ceci n'est pas à moi, ceci n'est pas moi, ceci n'est pas moi-même.' Quand un mendiant la voit telle qu'elle est réellement présente avec la sagesse appropriée, il se désenchante de la propriété de l'air, et elle s'estompe de l'esprit.

Et qu'est-ce que la propriété spatiale? La propriété spatiale peut être interne ou externe. Quelle est la propriété spatiale interne? Tout ce qui est interne, appartenant à soi-même, qui est spatial, espacé, et à quoi on s'est attaché: les trous des oreilles, les narines, la bouche, le [passage] par lequel ce qui est mangé, bu, consommé et goûté est avalé, et là où c'est collecté, et par où c'est excrété par en bas, ou tout autre chose qui est interne, appartenant à soi-même, qui est spatial, espacé, et à quoi on s'est attaché: c'est ce qu'on appelle la propriété spatiale interne. Maintenant, la propriété spatiale interne et la propriété spatiale externe sont simplement la propriété spatiale. Et il faudrait la concevoir telle qu'elle est réellement présente avec la sagesse appropriée: 'Ceci n'est pas à moi, ceci n'est pas moi, ceci n'est pas moi-même.' Quand un mendiant la voit telle qu'elle est réellement présente avec la sagesse appropriée, il se désenchante de la propriété spatiale, et elle s'estompe de l'esprit.

Il ne reste plus que la conscience: pure et claire. Que connaît-il avec cette conscience? Il connaît 'le plaisir.' Il connaît 'la douleur.' Il connaît 'ni-plaisir-ni-douleur.' À cause d'un contact sensoriel qui doit être ressenti comme du plaisir, une sensation de plaisir surgit. Lorsqu'il ressent une sensation de plaisir, il comprend: 'Je ressens une sensation de plaisir.' Il comprend: 'Avec la cessation de ce même contact sensoriel qui doit être ressenti comme du plaisir, la sensation correspondante - la sensation de plaisir qui est apparue à cause du contact sensoriel devant être ressenti comme du plaisir - est calmée et cesse.

À cause d'un contact sensoriel qui doit être ressenti comme de la douleur, une sensation de douleur surgit. Lorsqu'il ressent une sensation de douleur, il comprend: 'Je ressens une sensation de douleur.' Il comprend: 'Avec la cessation de ce même contact sensoriel qui doit être ressenti comme de la douleur, la sensation correspondante - la sensation de douleur qui est apparue à cause du contact sensoriel devant être ressenti comme de la douleur - est calmée et cesse.'

À cause d'un contact sensoriel qui doit être ressenti en tant que ni-plaisir-ni-douleur, une sensation de ni-plaisir-ni-douleur surgit. Lorsqu'il ressent une sensation de ni-plaisir-ni-douleur, il comprend: 'Je ressens une sensation de ni-plaisir-ni-douleur.' Il comprend: 'Avec la cessation de ce même contact sensoriel qui doit être ressenti en tant que ni-plaisir-ni-douleur, la sensation correspondante - la sensation de ni-plaisir-ni-douleur qui est apparue à cause du contact sensoriel qui doit être ressenti en tant que ni-plaisir-ni-douleur - est calmée et cesse.

Tout comme lorsque, à cause du contact et de la friction de deux bâtons à feu, la chaleur est produite et le feu apparaît, et qu'à cause de la séparation et disjonction de ces mêmes bâtons à feu, la chaleur correspondante est calmée et cesse, de même, à cause d'un contact sensoriel qui doit être ressenti comme du plaisir... comme de la douleur... en tant que ni-plaisir-ni-douleur... Il comprend: 'Avec la cessation de ce même contact sensoriel qui doit être ressenti en tant que ni-plaisir-ni-douleur, la sensation correspondante... est calmée et cesse.

Il ne reste que l'équanimité: pure et claire, souple, malléable et lumineuse. Tout comme dans le cas où un orfèvre habile ou son apprenti doit préparer un fourneau, chauffer un creuset, et, saisissant l'or avec une paire de pinces, le place dans le creuset: il souffle dessus de temps en temps, l'asperge d'eau de temps en temps, l'examine de temps en temps, de sorte que l'or devient fin, très fin, parfaitement fin, sans faute, dépourvu de scories, souple, malléable et lumineux. Alors, quel que soit l'ornement qu'il désire réaliser - que ce soit une ceinture, une boucle d'oreille, un collier ou une chaîne en or - il peut s'en servir pour le forger.

De même, il ne reste que l'équanimité: pure et claire, souple, malléable et lumineuse. Il comprend: 'Si je devais diriger cette équanimité, aussi pure et claire que cela, vers la dimension de l'infini de l'espace, et développer mon esprit en ce sens, alors cette équanimité qui est mienne, supportée par cette base, s'y attachant, durerait pendant longtemps'.4 Il comprend: 'Si je devais diriger cette équanimité, aussi pure et claire que cela, vers la dimension de l'infini de la conscience... la dimension de la vacuité... la dimension de ni-perception-ni-non-perception, je développerais l'esprit en ce sens, alors cette équanimité qui est mienne, supportée par cette base, s'y attachant, durerait pendant longtemps.'

Il comprend: 'Si je devais diriger cette équanimité, aussi pure et claire que cela, vers la dimension de l'infini de l'espace et développer l'esprit en ce sens, cela serait conditionné.5 Il comprend: 'Si je devais diriger cette équanimité, aussi pure et claire que cela, vers la dimension de l'infini de la conscience... la dimension de la vacuité... la dimension de ni-perception-ni-non-perception et développer l'esprit en ce sens, cela serait conditionné.' Il ne forme aucune condition ni ne génère aucune volition envers les états d'être ou de non-être. Si on ne forme aucune condition ni ne génère aucune volition ever les états d'être ou de non-être, on ne s'attache à rien dans le monde. Ne s'attachant à rien dans le monde, on n'est pas agité. N'étant pas agité, on atteint Nibbāna. Il comprend: 'C'en est fini de la naissance, la vie brahmique est réalisée, la tâche est accomplie. Je ne serai plus dirigé vers aucun état d'être.'

Quand un mendiant ressent une sensation de plaisir, il comprend qu'elle est impermanente, il ne s'y accroche pas, il ne s'y complaît pas. Quand il ressent une sensation de douleur, il comprend qu'elle est impermanente, il ne s'y accroche pas, il ne s'y complaît pas. Quand il ressent une sensation neutre (ni-plaisir-ni-douleur), il comprend qu'elle est impermanente, il ne s'y accroche pas, il ne s'y complaît pas.

Quand il ressent une sensation de plaisir, il la ressent de manière détachée. Quand il ressent une sensation de douleur, il la ressent de manière détachée. Quand il ressent une sensation de ni-plaisir-ni-douleur, il la ressent de manière détachée. Quand il ressent une sensation limitée au corps, il comprend: 'Je ressens une sensation limitée au corps.' Quand il ressent une sensation limitée à cette vie, il comprend: 'Je ressens une sensation limitée à cette vie.'6 Il comprend: 'Avec la dissolution du corps, après la fin de la vie, tout ce qui est ressenti, sans s'y complaire, refroidira ici-même.'

Tout comme une lampe à huile brûle à cause de [la présence de] l'huile et de la mèche, et comme une fois que l'huile et la mèche son consommées - si on n'y a pas apporté d'autre combustible - elle s'éteint, de même, quand il ressent une sensation limitée au corps, il comprend: 'Je ressens une sensation limitée au corps.' Quand il ressent une sensation limitée à cette vie, il comprend: 'Je ressens une sensation limitée à cette vie.' Il comprend: 'Avec la dissolution du corps, après la fin de la vie, tout ce qui est ressenti, sans s'y complaire, refroidira ici-même.'

Un mendiant possédant [cette sagesse] possède la suprême fondation de la sagesse. Car ceci, mendiant, est la suprême noble sagesse, c'est-à-dire la connaissance de la destruction de toutes les souffrances.


(la fondation de la vérité)

Sa libération, étant fondée sur la vérité [réalité], est inébranlable. Car ce qui est trompeur est faux, et ce qui ne trompe pas est vrai [réel]: Nibbāna. Un mendiant possédant [une telle vérité] possède la suprême fondation de la vérité. Car ceci, mendiant, est la suprême noble vérité [réalité]: Nibbāna, qui par nature ne trompe pas.


(la fondation du renoncement)

Auparavant, lorsqu'il était ignorant, il entreprenait et acceptait les acquisitions;7 il les a désormais abandonnées, il a détruit leur racine, il les a déracinées comme un palmier, privées des conditions du développement, elles ne sont maintenant plus destinées à réapparaître dans le futur. Un mendiant possédant [un tel renoncement] possède la suprême fondation du renoncement. Car ceci, mendiant, est le suprême noble renoncement: la renonciation de toutes les acquisitions.


(la fondation de la paix)

Auparavant, lorsqu'il était ignorant, il ressentait de l'envie, du désir et de l'avidité; il les a désormais abandonnés, il a détruit leur racine, il les a déracinés comme un palmier, privés des conditions du développement, ils ne sont maintenant plus destinés à réapparaître dans le futur. Auparavant, lorsqu'il était ignorant, il ressentait de la colère, de la malveillance et de la haine; il les a désormais abandonnées... Auparavant, lorsqu'il était ignorant, il était sujet à l'ignorance, la proie d'illusions et de confusions; il les a désormais abandonnées, il a détruit leur racine, il les a déracinés comme un palmier, privés des conditions du développement, ils ne sont maintenant plus destinés à réapparaître dans le futur. Un mendiant possédant [une telle paix] possède la suprême fondation de la paix. Car ceci, mendiant, est la suprême noble paix: l'apaisement de l'avidité, de l'aversion et de l'ignorance.


Voici ce en référence à quoi il a été dit: 'Il ne faut pas négliger la sagesse, il faut garder la vérité, cultiver la renonciation, et s'entraîner pour obtenir la paix.'

Il a été dit: 'Les courants de la conceptualisation ne s'écoulent pas chez celui qui se tient sur ces fondations. Et lorsque les courants de la conceptualisation ne s'écoulent pas, on dit de lui qu'il est un sage en paix.'8 En référence à quoi cela a-t-il été dit? 'Je suis' est une conceptualisation. 'Je suis ceci' est une conceptualisation. 'Je serai' est une conceptualisation. 'Je ne serai pas'... 'Je serai en possession d'une forme'... 'Je ne serai pas en possession d'une forme'... 'Je serai perceptif'... 'Je serai non-perceptif'... 'Je ne serai ni perceptif ni non-perceptif' est une conceptualisation. Conceptualiser est une maladie, conceptualiser est un cancer, conceptualiser est une flèche [plantée dans la chair]. De celui qui est allé au-delà de toute conceptualisation, on dit qu'il est un sage en paix. Et un sage en paix ne naît pas, il ne vieillit pas, il ne meurt pas, il n'est pas agité, et il est libre du désir. Car il n'y a plus rien en lui qui le ferait naître. Ne naissant pas, comment vieillirait-il? Ne vieillissant pas, comment mourrait-il? Ne mourant pas, comment serait-il agité? N'étant pas agité, que pourrait-il désirer? Voici ce en référence à quoi il a été dit: 'Les courants de la conceptualisation ne s'écoulent pas chez celui qui se tient sur ces fondations. Et lorsque les courants de la conceptualisation ne s'écoulent pas, on dit de lui qu'il est un sage en paix.' Mendiant, retiens ma brève analyse des six propriétés.

Alors il vint à l'esprit du vénérable Pukkusāti: 'En effet, l'Instructeur est venu à moi! En effet, le Sublime est venu à moi! En effet, celui qui est véritablement éveillé est venu à moi!' Se levant de son siège, disposant sa robe de dessus sur une épaule, et s'inclinant avec la tête vers les pieds du Fortuné, il dit:

— J'ai commis une transgression, Bhanté, car comme un sot, confus et maladroit, j'ai pensé qu'il était correct de m'adresser au Fortuné en l'appelant: 'mon ami'. Que le Fortuné veuille bien accepter cette confession de ma transgression pour ce qu'elle est, que je puisse l'éviter à l'avenir.

— En effet, mendiant, tu as commis une transgression car comme un sot, confus et maladroit, tu as pensé qu'il était correct de t'adresser à moi en m'appelant: 'mon ami'. Mais comme tu vois ta transgression pour ce qu'elle est, et que tu t'en amendes en accord avec le Dhamma, j'accepte ta confession. Car c'est un facteur de croissance dans la Discipline des êtres nobles lorsque, voyant une transgression pour ce qu'elle est, on s'en amende en accord avec le Dhamma et qu'on l'évite dans l'avenir.

Bhanté, puis-je recevoir pleine acceptation (ordination en tant que mendiant) de la part du Fortuné?

— Tes robes et tes bols sont-ils au complet?

— Non, Bhanté, mes robes et mes bols ne sont pas au complet.

— Les Tathāgatas n'accordent pas pleine acceptation à quelqu'un dont les robes et les bols ne sont pas au complet.

Alors le vénérable Pukkusāti, ravi et réjoui des paroles du Fortuné, se leva de son siège, s'inclina vers le Fortuné et, le gardant à sa droite, partit à la recherche de robes et d'un bol. Et pendant qu'il cherchait des robes et un bol, une vache errante le tua.



Plus tard, un certain nombre de mendiants s'approcha du Fortuné et, en arrivant, s'étant incliné devant lui, s'assit d'un côté. Lorsqu'ils furent assis là, ils dirent au Fortuné:

Bhanté, l'homme de clan Pukkusāti, à qui le Fortuné a dispensé une brève instruction, est mort. Quelle est sa destination? Quel sera son état futur?

Mendiants, l'homme de clan Pukkusāti était sage. Il pratiquait en accord avec le Dhamma et ne m'a pas importuné avec des interprétations du Dhamma. Avec la destruction des cinq entraves inférieures,9 il est réapparu spontanément [dans les Pures Demeures], et atteindra là le Nibbāna final, sans jamais revenir de ce monde.

Voici ce que dit le Fortuné. Gratifiés, les mendiants se réjouirent dans les paroles du Fortuné.





Bodhi leaf



Notes


1. Pukkusāti: d'après le Commentaire: Pukkusāti avait été le roi de Takkasilā et avait noué une amitié avec le roi Bimbisara du Magadha par l'intermédiaire de marchands qui voyageaient entre les deux royaumes pour faire du commerce. Dans un échange de cadeaux, Bimbisara envoya à Pukkusāti une assiette en or sur laquelle il avait fait graver des descriptions du Bouddha, du Dhamma et de la Communauté, et divers aspects de l'enseignement. Lorsqu'il lut les inscriptions, Pukkusāti fut transporté de joie et décida de renoncer au monde. Sans faire une ordination formelle, il se rasa la tête, mit une robe jaune, et quitta le palais. Il alla à Rājagaha, dans le but de rencontrer le Bouddha, qui était alors à Sāvatthī, à environ 500 km de là. Le Bouddha vit Pukkusāti avec son œil clairvoyant, et en reconnaissant sa capacité à atteindre la voie et ses fruits, ainsi que le danger qui le guettait, il voyagea seul à pied jusqu'à Rājagaha pour le rencontrer. Pour éviter d'être reconnu, le Bouddha cacha ses attributs physiques spécifiques, telles que les marques d'un Grand Homme, et il apparaissait comme un mendiant ordinaire. [BB]


2. mon ami: ne sachant pas qu'il s'agit du Bouddha, Pukkusāti s'adresse à lui familièrement. [BB]


3. six propriétés... quatre fondations: d'après le Commentaire, puisque Pukkusāti était déjà capable d'atteindre le quatrième jhāna par ānāpāna (l'attention portée à la respiration), et qu'il était déjà instruit sur les bases du Dhamma, le Bouddha démarra directement par un discours sur vipassana (la vue intérieure), au lieu des sujets habituels. [BB]


4. cette équanimité... durerait pendant longtemps: si il atteignait la base de l'infinité de l'espace et qu'il devait mourrir en y étant toujours attaché, il renaîtrait dans le plan d'existence de l'infinité de l'espace et vivrait là pendant toute la durée de vie, i.e. 20 000 éons. Dans les trois autres plans plus élevés, la durée de vie est respectivement: 40 000 éons, 60 000 éons et 84 000 éons. [BB]


5. cela serait conditionné: ceci sert à montrer le danger potentiel des jhānas immatériels. En effet, même si la durée de vie dans ce plan d'existence est de 20 000 éons, l'être est toujours sujet à la mort et après cela, il n'est pas impossible qu'il finisse par se retrouver dans un des quatre états de privation (géant (asura), animal, esprit affamé, enfers). [BB]


6. sensation limitée à cette vie: c'est-à-dire qui demeure présente tant que le corps et sa faculté de vie continue, mais pas au-delà de ça. [BB]


7. acquisitions: d'après le Commentaire, il s'agit des cinq agrégats (rūpa, vedanā, saṅkhāra, viññāṇa, saññā), des impuretés, des formations volitionnelles (saṅkhāras), et des cinq cordes des plaisirs sensuels. [BB]


8. les courants de la conceptualisation... en paix: Le verble pali "conceptualiser", maññati, de la racine man "penser" est souvent utilisé dans les suttas pour dénoter une pensée distordue - une pensée qui attribue à son objet des caractéristiques dérivées non de l'objet lui-même, mais de l'imagination subjective du sujet. En bref, il s'agit de l'introduction d'une perspective égocentrique dans une expérience déjà légèrement distordue par la perception spontannée. D'après le Commentaire, l'activité de conceptualisation est gouvernée par trois impuretés: Soif (taṇhā), conceptualisation (māna) et opinions (vue). [BB]


9. la destruction des cinq entraves inférieures: s'effectue lorsqu'on devient anāgāmi. Il s'agit de: croyance au soi, doute sceptique, attachement aux rites et préceptes, sensualité, malveillance. [BB]




Edité par Rémy,
Traduction proposée par Michel Proulx,
sur la base du travail effectué par Thanissaro Bhikkhu
et Middle length discourses of the Buddha de Bhikkhu Ñāṇamoli et Bhikkhu Bodhi.

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