L'ancien et le tardif dans MN 117

Cet article offre des comparaisons entre le texte du Mahācattārīsaka Sutta et des textes d'origine tardive, tels que l'Abhidhamma, ainsi que certains recueils du Khuddaka Nikāya. Il démontrera que ce soutta forme un patchwork contenant probablement des éléments anciens et des formules tardives qui y ont été insérées. Il explorera également les implications doctrinales des passages qui ont été très probablement ajoutés à l'original. Lorsque j'ai écrit cet article pour la première fois, je ne connaissais pas l'article de Bhanté Analayo, The Mahācattārīsaka-sutta in the Light of its Parallels, dans lequel, en plus de confirmer les arguments présentés ici, il fournit d'autres preuves réunies au moyen de comparaisons avec les contreparties chinoise et tibétaine de ce soutta, puisque celles-ci ne contiennent pas les passages mis en exergue dans le présent document comme ayant été probablement importés.



Note: les livres du Khuddaka Nikāya mentionnés ici, ainsi que l'Abhidhamma ont été composés après la mort du Bouddha, et par conséquent aucun soutta d'origine ancienne ne peut contenir des éléments qui en proviennent.


Mahācattārīsaka Sutta

Evaṃ me sutaṃ...

Ariyaṃ vo, bhikkhave, sammāsamādhiṃ desessāmi saupanisaṃ saparikkhāraṃ. Taṃ suṇātha, sādhukaṃ manasi karotha...

Ainsi ai-je entendu...

Bhikkhus, je vais vous enseigner la noble concentration correcte, avec ses supports et ses équipements. Ecoutez et faites bien attention....

Il est annoncé ici que le thème de ce soutta est la concentration correcte. Cependant, comme nous allons le voir plus tard, cela n'est pas si clair dans le reste du soutta.


Katamo ca, bhikkhave, ariyo sammāsamādhi saupaniso saparikkhāro? Seyyathidaṃ – sammādiṭṭhi, sammāsaṅkappo, sammāvācā, sammākammanto, sammāājīvo, sammāvāyāmo, sammāsati; yā kho, bhikkhave, imehi sattahaṅgehi cittassa ekaggatā parikkhatā: ayaṃ vuccati, bhikkhave, ariyo sammāsamādhi saupaniso itipi, saparikkhāro itipi.

Et qu'est-ce, bhikkhous, que la noble concentration correcte avec ses supports et ses équipements? C'est la vue correcte, les aspirations correctes, la parole correcte, l'action correcte, les moyens de subsistance corrects, l'effort correct et l'attention correcte; toute unification de l'esprit qui est équipée de ces sept facteurs est appelée noble concentration correcte avec ses supports et ses équipements.

Cette partie du soutta est exactement identique à SN 45.28 ainsi qu'à une partie de DN 18, et elle est également similaire à AN 7.45, ce qui constitue une indication d'ancienneté. Cependant, les huit composantes de la voie qui nous sont présentés ici deviendront soudain dix vers la fin du soutta.


Tatra, bhikkhave, sammādiṭṭhi pubbaṅgamā hoti. Kathañca, bhikkhave, sammādiṭṭhi pubbaṅgamā hoti? Micchādiṭṭhiṃ ‘micchādiṭṭhī’ti pajānāti, sammādiṭṭhiṃ ‘sammādiṭṭhī’ti pajānāti – sāssa hoti sammādiṭṭhi.

Parmi ceux-ci, la vue correcte est le précurseur. Et comment la vue correcte est-elle le précurseur? [Un individu] comprend la vue erronée comme 'vue erronée', et il comprend la vue correcte comme 'vue correcte': voici quelle est sa vue correcte.

Ceci constitue une explication de la raison pour laquelle le Bouddha place toujours la vue correcte comme premier composante de la voie, et on ne retrouve pas de telle explication dans aucun autre texte. Il semble donc que nous ayons là une partie de l'enseignement originel qui fait la spécificité de ce soutta.


Katamā ca, bhikkhave, micchādiṭṭhi? ‘Natthi dinnaṃ, natthi yiṭṭhaṃ, natthi hutaṃ, natthi sukatadukkaṭānaṃ kammānaṃ phalaṃ vipāko, natthi ayaṃ loko, natthi paro loko, natthi mātā, natthi pitā, natthi sattā opapātikā, natthi loke samaṇabrāhmaṇā sammaggatā sammāpaṭipannā ye imañca lokaṃ parañca lokaṃ sayaṃ abhiññā sacchikatvā pavedentī’ti: ayaṃ, bhikkhave, micchādiṭṭhi.

Et qu'est-ce, bhikkhous, que la vue erronée? 'Il n'y a rien qui soit donné, rien qui soit offert, rien qui soit sacrifié. Il n'y a pas de fruit ni de résultat aux bonnes et mauvaises actions; il n'y a pas ce monde, il n'y a pas d'autre monde; il n'y a pas de mère, pas de père; il n'y a pas d'être renaissant spontanément; il n'y a pas de samanas ni brahmanes dans le monde qui, progressant correctement et pratiquant correctement, font connaître ce monde et les autres mondes, les ayant connus et réalisés par eux-mêmes': voici, bhikkhous, ce qu'est la vue erronée de cet individu.

Il s'agit de la définition standard bien connue de la vue erronée, utilisée principalement pour les gens de foyer, ou bien en référence aux hétérodoxes. Jusqu'ici, tout va bien.


Katamā ca, bhikkhave, sammādiṭṭhi? Sammādiṭṭhiṃpahaṃ, bhikkhave, dvāyaṃ vadāmi – atthi, bhikkhave, sammādiṭṭhi sāsavā puññabhāgiyā upadhivepakkā; atthi, bhikkhave, sammādiṭṭhi ariyā anāsavā lokuttarā maggaṅgā.

Et qu'est-ce, bhikkhous, que la vue correcte? La vue correcte, je déclare, est de deux sortes: il y a la vue correcte accompagnée de corruptions de l'esprit, qui procure du mérite, et résulte en substrat d'attachement; et il y a la noble vue correcte sans corruptions de l'esprit, transcendante, qui est une composante de la voie.

Cette distinction de la vue correcte en deux composantes est tout à fait originale et ne se trouve nulle part ailleurs. Ce qui nous est dit ici, c'est qu'il y aurait d'un côté une vue correcte qui serait liée à puñña (le mérite), ie. ce qui caractérise les gens de foyer (l'intérêt pour les gains mondains), et qui constituerait par conséquent une forme de vue correcte 'vulgaire' ou 'inférieure', ne menant pas directement à Nibbāna (puisqu'on dit d'elle qu'elle est "upadhivepakkā" ie. ayant pour résultat l'attachement à la renaissance); et de l'autre côté, il y aurait une vue correcte 'noble', qui constituerait la (véritable) composante de la voie.

Il est donc dit du premier type de vue correcte, celui qui serait 'inférieur':


atthi, bhikkhave, sammādiṭṭhi sāsavā puññabhāgiyā upadhivepakkā;

il y a la vue correcte accompagnée de corruptions de l'esprit, qui procure du mérite, et résulte en substrat d'attachement;

Examinons les deux premiers termes:

1) 'sāsava' signifie, correctement, 'lié aux āsavas' (ie. les impuretés mentales ou corruptions de l'esprit). Dire qu'il y aurait une vue correcte qui serait 'sāsava' semble être en contradiction avec les affirmations faites dans d'autres souttas. À SN 48.56, par exemple, on trouve:

SN 48.56

cittaṃ rakkhati āsavesu ca sāsavesu ca dhammesu

il protège l'esprit contre les impuretés mentales et les états mentaux liés aux impuretés mentales.

À la lumière du passage ci-dessus, dire qu'il y aurait une vue correcte qui serait liée aux impuretés mentales signifierait que cette vue correcte est un état mental contre lequel l'esprit doit être protégé, ce qui pourrait sembler paradoxal. En outre, AN 10.139 présente une contradiction plus directe avec une telle assertion:

AN 10.139

Katamo ca, bhikkhave, sāsavo dhammo? Micchādiṭṭhi, micchāsaṅkappo... micchāsamādhi, micchāñāṇaṃ, micchāvimutti: ayaṃ vuccati, bhikkhave, sāsavo dhammo. Katamo ca, bhikkhave, anāsavo dhammo? Sammādiṭṭhi, sammāsaṅkappo... sammāsamādhi, sammāñāṇaṃ, sammāvimutti: ayaṃ vuccati, bhikkhave, anāsavo dhammo ti.

Et que sont, bhikkhous, les états mentaux connectés avec les impuretés mentales? La vue erronée, la pensée erronée... la concentration erronée, la connaissance erronée, la libération erronée: voici ce qu'on appelle, bhikkhous, les états mentaux connectés avec les impuretés mentales. Et que sont, bhikkhous, les états mentaux déconnectés des impuretés mentales? La vue correcte, la pensée correcte... la concentration correcte, la connaissance correcte, la libération correcte: voici ce qu'on appelle, bhikkhous, les états mentaux déconnectés des impuretés mentales.

Ceci contredit toute affirmation selon laquelle il y aurait une vue correcte qui puisse être connectée aux impuretés mentales (ie. 'sāsava'). Toute vue qui est liée per se aux impuretés mentales est une vue incorrecte. Cela prouve donc que cette utilisation du mot 'sāsava' dans ce contexte est en contradiction avec les autre souttas.

On peut cependant l'expliquer par le fait que dans la littérature ultérieure, la signification du mot semble avoir dérivé. Dans le Paṭisambhidāmagga du Khuddaka Nikāya, on trouve par exemple:

Pts 213

Katamo sāsavo vimokkho? Cattāri ca jhānāni, catasso ca arūpasamāpattiyo: ayaṃ sāsavo vimokkho.

Qu'est-ce que la libération 'sāsava'? Les quatre jhānas, et les quatre réalisations sans forme [ie. jhānas 5 à 8]: voici ce qu'est la libération 'sāsava'.

Cette affirmation est également en contradiction directe avec AN 10.139, où il est dit que la concentration correcte n'est pas 'sāsava', mais au contraire 'anāsava'. Puisque la concentration correcte est toujours définie comme l'atteinte des quatre jhānas (eg. à SN 45.8), on peut facilement en conclure que d'après AN 10.139, les quatre jhānas ne sont pas 'sāsava', mais au contraire 'anāsava'.

Il y a de manière évidente une dérive de la signification du mot 'sāsava'. À AN 10.139, il fait référence à la connexion avec ce qui est malsain ou désavantageux, tandis que dans le Paṭisambhidāmagga, il fait plutôt référence à une connexion avec un état d'avancement général qui ne serait (supposément) pas encore libéré de ce qui est malsain ou désavantageux (en considérant que la personne qui atteint ces jhānas n'est pas déjà un arahant). Clairement, dans le cas Mahācattārīsaka Sutta, le mot 'sāsava' est pris dans ce dernier sens, ce qui constitue une indication supplémentaire du caractère tardif de ce passage.



2) 'puññabhāgiya' signifie 'lié au mérite', et c'est un mot très rare. Il n'apparaît qu'à la fin des versets de SN 6.13, à AN 6.63, et à un endroit dans le Nettippakaraṇa du Khuddaka Nikāya:

Net 33

Dve suttāni: vāsanābhāgiyañca nibbedhabhāgiyañca. Dve paṭipadā: puññabhāgiyā ca phalabhāgiyā ca. Dve sīlāni: saṃvarasīlañca pahānasīlañca. Tattha bhagavā vāsanābhāgiyaṃ suttaṃ puññabhāgiyāya paṭipadāya desayati, so saṃvarasīle ṭhito tena brahmacariyena brahmacārī bhavati. Tattha bhagavā nibbedhabhāgiyaṃ suttaṃ phalabhāgiyāya paṭipadāya desayati, so pahānasīle ṭhito tena brahmacariyena brahmacārī bhavati.

Il y a deux types de souttas: ceux qui sont liés à la réalisation de bonnes actions et ceux qui sont liés à la vue pénétrante. Il y a deux chemins: l'un lié au mérite et l'autre lié à l'obtention des fruits [ie. l'entrée dans le courant etc.]. Il y a deux types de vertu: la vertu de la restreinte et la vertu de l'abandon. Là où le Fortuné a enseigné les souttas liés à la réalisation de bonnes actions pour le chemin lié au mérite, celui qui vit la vie brahmique développe la vie brahmique en observant la vertu de la restreinte.{1} Là où le Fortuné a enseigné les souttas liés à la vue pénétrante pour le chemin lié à l'obtention des fruits, celui qui vit la vie brahmique développe la vie brahmique en observant la vertu de l'abandon.

Il est remarquable que le seul endroit où l'on trouve ce mot, en dehors des deux souttas mentionnés ci-dessus, soit un texte où il est également question d'une distinction entre un enseignement 'inférieur' (lié au mérite, pas à l'abandon mais simplement à la restreinte etc.) et un enseignement 'supérieur' (lié à la vue pénétrante, pas seulement à la restreinte mais surtout à l'abandon etc.). Ceci indique que ce passage aurait été inspiré du Nettippakaraṇa, peut-être au sein d'une stratégie pour attirer l'attention vers un enseignement considéré plus moderne.




Ensuite une définition de la vue correcte 'inférieure' est donnée:


Katamā ca, bhikkhave, sammādiṭṭhi sāsavā puññabhāgiyā upadhivepakkā? ‘Atthi dinnaṃ, atthi yiṭṭhaṃ, atthi hutaṃ, atthi sukatadukkaṭānaṃ kammānaṃ phalaṃ vipāko, atthi ayaṃ loko, atthi paro loko, atthi mātā, atthi pitā, atthi sattā opapātikā, atthi loke samaṇabrāhmaṇā sammaggatā sammāpaṭipannā ye imañca lokaṃ parañca lokaṃ sayaṃ abhiññā sacchikatvā pavedentī’ti: ayaṃ, bhikkhave, sammādiṭṭhi sāsavā puññabhāgiyā upadhivepakkā.

Et qu'est-ce, bhikkhous, que la vue correcte qui est accompagnée de corruptions de l'esprit, qui procure du mérite et résulte en substrat d'attachement? 'Il y a ce qui est donné, ce qui est offert, ce qui est sacrifié; il y a ce monde, il y a d'autres mondes; il la mère, il y a le père; il y a des êtres renaissant spontanément; il y a des samanas et brahmanes dans le monde qui, progressant correctement et pratiquant correctement, font connaître ce monde et les autres mondes, les ayant connus et réalisés par eux-mêmes': voici, bhikkhous, ce qu'est la vue correcte qui est accompagnée de corruptions de l'esprit, qui procure du mérite et résulte en substrat d'attachement.

Si on enlève les mots 'sāsavā puññabhāgiyā upadhivepakkā', il s'agit d'un enseignement standard du Bouddha, qui est assez commun (eg. à MN 110, SN 42.13, AN 3.118 etc.). Mais déclarer que cette vue a pour résultat l'attachement à la renaissance (puisqu'on dit d'elle qu'elle est 'upadhivepakka') en opposition à une vue qui serait le (vrai) composante de la voie est clairement en contradiction directe avec MN 60, où cette même vue est décrite comme étant liée à la pensée correcte et à la parole correcte, et persuader quelqu'un de l'adopter est déclaré comme étant une persuasion dans ce qui est le Dhamma correct:

MN 60

...evaṃdiṭṭhino – ‘atthi dinnaṃ, atthi yiṭṭhaṃ, atthi hutaṃ, atthi sukatadukkaṭānaṃ kammānaṃ phalaṃ vipāko, atthi ayaṃ loko, atthi paro loko, atthi mātā, atthi pitā, atthi sattā opapātikā, atthi loke samaṇabrāhmaṇā sammaggatā sammāpaṭipannā ye imañca lokaṃ parañca lokaṃ sayaṃ abhiññā sacchikatvā pavedentī’ti...

...ont cette opinion — 'Il y a ce qui est donné, ce qui est offert, ce qui est sacrifié; il y a ce monde, il y a d'autres mondes; il la mère, il y a le père; il y a des êtres renaissant spontanément; il y a des samanas et brahmanes dans le monde qui, progressant correctement et pratiquant correctement, font connaître ce monde et les autres mondes, les ayant connus et réalisés par eux-mêmes'...

Santaṃyeva kho pana paraṃ lokaṃ ‘atthi paro loko’ tissa diṭṭhi hoti, sāssa hoti sammādiṭṭhi. Santaṃyeva kho pana paraṃ lokaṃ ‘atthi paro loko’ti saṅkappeti, svāssa hoti sammāsaṅkappo. Santaṃyeva kho pana paraṃ lokaṃ ‘atthi paro loko’ti vācaṃ bhāsati, sāssa hoti sammāvācā... Santaṃyeva kho pana paraṃ lokaṃ ‘atthi paro loko’ti paraṃ saññāpeti, sāssa hoti saddhammasaññatti.

Parce qu'il y a en réalité un autre monde, la vue de celui qui pense: 'Il y a un autre monde' est une vue correcte. Parce qu'il y a en réalité un autre monde, celui qui garde à l'esprit: 'Il y a un autre monde' a une aspiration correcte. Parce qu'il y a en réalité un autre monde, lorsqu'il dit: 'Il y a un autre monde', il prononce une parole correcte... Parce qu'il y a en réalité un autre monde, lorsqu'il persuade un autre: 'Il y a un autre monde', il le persuade d'accepter le Dhamma correct.

Maintenant, si on applique l'assertion faite plus haut dans le Mahācattārīsaka Sutta à ce passage tiré de MN 60, il s'ensuit que ce qui est déclaré par le Bouddha comme étant le Dhamma correct mène à l'attachement à la renaissance (puisqu'on en dit que c'est 'upadhivepakka'). Une fois de plus, cela peut paraître un peu paradoxal.



Vient ensuite la prétendue 'noble' vue correcte:


Katamā ca, bhikkhave, sammādiṭṭhi ariyā anāsavā lokuttarā maggaṅgā?

Et quelle est la noble vue correcte sans corruptions de l'esprit, transcendante, qui est une composante de la voie?

Analysons ces quatre termes:


1) 'ariya anāsava lokuttara': ces trois premiers termes, pris séparément, sont assez communs dans les souttas, mais leur juxtaposition est très particulière, et on ne la retrouve nulle part ailleurs que dans le Mahāniddesa du Khuddaka Nikāya:

Nd 86

atha vā ye te phassā ariyā anāsavā lokuttarā suññatapaṭisaññuttā, te phasse vivitte passati.

ensuite, ces contacts qui sont nobles, déconnectés des impuretés mentales, transcendents, connectés à la vacuité, il voit ces contacts comme étant séparés.



2) 'maggaṅga' est un terme qui n'apparaît nulle part ailleurs dans les souttas ni dans le Vinaya, si ce n'est pour le nom de SN 43.11 (mais le mot n'apparaît pas dans le texte lui-même). Cependant, il apparaît environ 140 fois dans l'Abhidhamma. Cela suggère assez fortement une influence de ce dernier sur ce passage.




Et maintenant la définition de cette 'noble' vue correcte:


Yā kho, bhikkhave, ariyacittassa anāsavacittassa ariyamaggasamaṅgino ariyamaggaṃ bhāvayato paññā paññindriyaṃ paññābalaṃ dhammavicayasambojjhaṅgo sammādiṭṭhi maggaṅgaṃ: ayaṃ vuccati, bhikkhave, sammādiṭṭhi ariyā anāsavā lokuttarā maggaṅgā.

Chez celui dont l'esprit est noble, dont l'esprit est sans corruptions, qui possède complètement la noble voie, qui développe la noble voie, la sagesse, la faculté de sagesse, la puissance de la sagesse, le facteur de l'éveil d'investigation du/des dhamma(s), la vue correcte qui est une composante de la voie: voici, bhikkhous, quelle est la vue correcte sans corruptions de l'esprit, transcendante, qui est une composante de la voie.

Cette définition est tout à fait particulière à ce soutta, et on ne la retrouve nulle part ailleurs dans les souttas ni dans le Vinaya. Elle est également surprenante, parce qu'on attendrait plutôt l'autre définition standard de la vue correcte, qui est toujours donnée en termes des quatre nobles vérités (eg. SN 45.8). On peut également observer que lorsqu'il définit un terme important, le Bouddha ne se contente pas de donner une simple liste de synonymes, mais que par contre, ce type de définition correspond à un procédé souvent utilisé dans les textes tardifs, spécialement dans l'Abhidhamma.

Analysons maintenant certaines de ces expressions:

1) 'ariya-magga-samaṅgī' signifie 'celui qui possède la noble voie'. C'est un terme très rare qui n'apparaît nulle part ailleurs que dans deux paragraphes successifs du Dhammasaṅgaṇī dans l'Abhidhamma:


Ds 1039

Katame dhammā maggahetukā? Ariyamaggasamaṅgissa maggaṅgāni ṭhapetvā; taṃsampayutto vedanākkhandho... viññāṇakkhandho: ime dhammā maggahetukā... Ariyamaggasamaṅgissa alobho, adoso, amoho: ime dhammā maggahetū; taṃsampayutto vedanākkhandho... viññāṇakkhandho: ime dhammā maggahetukā.

Et quels sont les phénomènes qui sont des conditions de la voie? Chez celui qui possède la noble voie, les composantes de la voie sont établis; l'agrégat de Ressenti correspondant... l'agrégat de Conscience: ces phénomènes sont des conditions de la voie... Chez celui qui possède la noble voie, la non-avidité, la non-aversion, le non-illusionnement; l'agrégat de Ressenti correspondant... l'agrégat de Conscience: ces phénomènes sont des conditions de la voie.



2) 'paññā paññindriyaṃ paññābalaṃ dhamma-vicaya-sambojjhaṅgo':

cette expression n'apparaît nulle part ailleurs que dans le Cūḷaniddesa du Khuddaka Nikāya, 5 fois, par exemple dans une définition de l'éveil:


Nc 107

Bodhi vuccati catūsu maggesu ñāṇaṃ paññā paññindriyaṃ paññābalaṃ dhammavicayasambojjhaṅgo vīmaṃsā vipassanā sammādiṭṭhi.

L'éveil signifie connaissance des quatre sentiers [entrée dans le courant etc.], discernement, la faculté de discernement, la puissance du discernement, l'investigation du Dhamma en tant que facteur de l'éveil, l'examen, la vue pénétrante, la vue correcte.



3) 'dhamma-vicaya-sambojjhaṅgo sammādiṭṭhi maggaṅgaṃ':

cette expression n'apparaît qu'une seule fois, dans le Peṭakopadesa du Khuddaka Nikāya, à la fin d'une longue formule définissant 'vipassanā':


Ptk 64

Tattha katamā vipassanā? Khandhesu vā dhātūsu vā... so yathābhūtaṃ vicayo... dhammavicayasambojjhaṅgo sammādiṭṭhi maggaṅgaṃ, ayaṃ vipassanā.

En cela, qu'est-ce que la vue pénétrante? Dans les agrégats ou les éléments... tels qu'ils sont vraiment, l'investigation... l'investigation du Dhamma en tant que composante de la voie, la vue correcte en tant que composante de la voie, voici ce qu'est la vue pénétrante.

Ainsi, un certain nombre des termes et expressions utilisées dans ce passage du Mahācattārīsaka Sutta semblent avoir été importés de textes d'origine tardive que l'on trouve dans le Khuddaka Nikāya ou l'Abhidhamma.




Ensuite:


So micchādiṭṭhiyā pahānāya vāyamati, sammādiṭṭhiyā, upasampadāya, svāssa hoti sammāvāyāmo. So sato micchādiṭṭhiṃ pajahati, sato sammādiṭṭhiṃ upasampajja viharati, sāssa hoti sammāsati. Itime tayo dhammā sammādiṭṭhiṃ anuparidhāvanti anuparivattanti, seyyathidaṃ – sammādiṭṭhi, sammāvāyāmo, sammāsati.

Ainsi, [un individu] s'efforce d'abandonner la vue erronée et d'acquérir la vue correcte: c'est son effort correct. Il est attentif pour abandonner la vue erronée et il demeure attentif pour acquérir la vue correcte: c'est son effort correct. De cette manière, ces trois phénomènes mentaux tournent et gravitent autour de la vue correcte, c'est-à-dire: la vue correcte, l'effort correct et l'attention correcte.

Cela semble être un enseignement authentique, que l'on ne trouve dans aucun autre texte, et qui semble donc faire également partie de l'enseignement spécifique et authentique qui fait l'intérêt de ce soutta.


Tatra, bhikkhave, sammādiṭṭhi pubbaṅgamā hoti. Kathañca, bhikkhave, sammādiṭṭhi pubbaṅgamā hoti? Micchāsaṅkappaṃ ‘micchāsaṅkappo’ti pajānāti, sammāsaṅkappaṃ ‘sammāsaṅkappo’ti pajānāti, sāssa hoti sammādiṭṭhi. Katamo ca, bhikkhave, micchāsaṅkappo? Kāmasaṅkappo, byāpādasaṅkappo, vihiṃsāsaṅkappo: ayaṃ, bhikkhave, micchāsaṅkappo.

Parmi ceux-ci, la vue correcte est le précurseur. Et comment la vue correcte est-elle le précurseur? [Un individu] comprend les aspirations erronées comme 'aspirations erronées', et il comprend les aspirations correctes comme 'aspirations correctes': voici, bhikkhous, ce qu'est sa vue correcte. Et que sont les aspirations erronées? Les aspirations de désir sensuel, les aspirations de malveillance et les aspirations de violence: voici, bhikkhous, ce que sont les aspirations erronées.

Cela semble également être un enseignement authentique, d'autant plus qu'il inclut la définition standard en trois termes de l'aspiration erronée, qui est bien connue par ailleurs.


Katamo ca, bhikkhave, sammāsaṅkappo? Sammāsaṅkappaṃpahaṃ, bhikkhave, dvāyaṃ vadāmi – atthi, bhikkhave, sammāsaṅkappo sāsavo puññabhāgiyo upadhivepakko; atthi, bhikkhave, sammāsaṅkappo ariyo anāsavo lokuttaro maggaṅgo. Katamo ca, bhikkhave, sammāsaṅkappo sāsavo puññabhāgiyo upadhivepakko? Nekkhammasaṅkappo, abyāpādasaṅkappo, avihiṃsāsaṅkappo – ‘ayaṃ, bhikkhave, sammāsaṅkappo sāsavo puññabhāgiyo upadhivepakko’.

Et que sont les aspirations correctes? Les aspirations correctes, je déclare, sont de deux sortes: les aspirations accompagnées de corruptions de l'esprit, qui procurent du mérite, et résultent en substrat d'attachement; et les nobles aspirations sans corruptions de l'esprit, transcendantes, qui sont une composante de la voie. Et que sont, bhikkhous, les aspirations accompagnées de corruptions de l'esprit, qui procurent du mérite, et résultent en substrat d'attachement? Les aspirations de renoncement, les aspirations sans malveillance et les aspirations sans violence: voici, bhikkhous, ce que sont les aspirations accompagnées de corruptions de l'esprit, qui procurent du mérite, et résultent en substrat d'attachement.

On retrouve le même schéma que précédemment. L'aspiration (ou pensée) correcte est de nouveau divisée en 'ce qui a pour résultat l'attachement à la renaissance' et ce qui est 'noble', selon le schéma trouvé à Net 33 divisant les enseignements du Bouddha en deux catégories. Les contradictions avec d'autres souttas continuent, puisque ce qui est défini ailleurs comme étant une composante de la voie (eg. à SN 45.8) et qui par conséquent, d'après AN 10.139, est 'anāsava', est maintenant au contraire déclaré être 'sāsava'.


Katamo ca, bhikkhave, sammāsaṅkappo ariyo anāsavo lokuttaro maggaṅgo? Yo kho, bhikkhave, ariyacittassa anāsavacittassa ariyamaggasamaṅgino ariyamaggaṃ bhāvayato takko vitakko saṅkappo appanā byappanā cetaso abhiniropanā vacīsaṅkhāro: ayaṃ, bhikkhave, sammāsaṅkappo ariyo anāsavo lokuttaro maggaṅgo. So micchāsaṅkappassa pahānāya vāyamati... sammādiṭṭhi, sammāvāyāmo, sammāsati.

Et que sont, bhikkhous, les aspirations sans corruptions de l'esprit, transcendantes, qui sont une composante de la voie? Chez celui dont l'esprit est noble, dont l'esprit est sans corruptions, qui possède complètement la noble voie, qui développe la noble voie, les réflexions, les pensées, les aspirations, l'application de l'esprit, la fixation de l'esprit, le positionnement de l'esprit, les constructions verbales: voici, bhikkhous, ce que sont les aspirations sans corruptions de l'esprit, transcendantes, qui sont une composante de la voie. Ainsi, [un individu] s'efforce d'abandonner les aspirations erronées... la vue correcte, l'effort correct et l'attention correcte.

La liste "takko vitakko saṅkappo appanā byappanā cetaso abhiniropanā" n'apparaît nulle part ailleurs ni dans les souttas ni dans le Vinaya, que ce soit en entier ou en partie, mais par contre elle apparaît des dizaines de fois dans l'Abhidhamma, eg. dans le Vibhaṅga, où elle définit précisément les aspirations correctes:

Vb 206

Tattha katamo sammāsaṅkappo? Yo takko vitakko saṅkappo appanā byappanā cetaso abhiniropanā sammāsaṅkappo maggaṅgaṃ maggapariyāpannaṃ: ayaṃ vuccati ‘‘sammāsaṅkappo’’.

En cela, qu'est-ce que les aspirations correctes? Les réflexions, les pensées, les aspirations, l'application de l'esprit, la fixation de l'esprit, le positionnement de l'esprit, les aspirations correctes en tant que composante de la voie, appartenant à la voie, voici ce qu'on appelle aspirations correctes.

Aucun de ces trois termes: appanā, byappanā ni abhiniropana n'apparaît sous aucune forme où que ce soit d'autre dans les souttas ou dans le Vinaya, et il est tout à fait singulier qu'au seul endroit où on les y trouve, ils apparaissent tous les trois ensemble, et en plus de cela incorporés dans une formule typique de l'Abhidhamma. Ceci atteste une nouvelle fois de manière claire l'influence de ce dernier sur le Mahācattārīsaka Sutta.

Ensuite:


Tatra, bhikkhave, sammādiṭṭhi pubbaṅgamā hoti. Kathañca, bhikkhave, sammādiṭṭhi pubbaṅgamā hoti? Micchāvācaṃ ‘micchāvācā’ti pajānāti, sammāvācaṃ ‘sammāvācā’ti pajānāti; sāssa hoti sammādiṭṭhi. Katamā ca, bhikkhave, micchāvācā? Musāvādo, pisuṇā vācā, pharusā vācā, samphappalāpo: ayaṃ, bhikkhave, micchāvācā. Katamā ca, bhikkhave, sammāvācā? Sammāvācaṃpahaṃ, bhikkhave, dvāyaṃ vadāmi – atthi, bhikkhave, sammāvācā sāsavā puññabhāgiyā upadhivepakkā; atthi, bhikkhave, sammāvācā ariyā anāsavā lokuttarā maggaṅgā. Katamā ca, bhikkhave, sammāvācā sāsavā puññabhāgiyā upadhivepakkā? Musāvādā veramaṇī, pisuṇāya vācāya veramaṇī, pharusāya vācāya veramaṇī, samphappalāpā veramaṇī: ayaṃ, bhikkhave, sammāvācā sāsavā puññabhāgiyā upadhivepakkā. Katamā ca, bhikkhave, sammāvācā ariyā anāsavā lokuttarā maggaṅgā? Yā kho, bhikkhave, ariyacittassa anāsavacittassa ariyamaggasamaṅgino ariyamaggaṃ bhāvayato catūhi vacīduccaritehi ārati virati paṭivirati veramaṇī: ayaṃ, bhikkhave, sammāvācā ariyā anāsavā lokuttarā maggaṅgā. So micchāvācāya pahānāya vāyamati...

Parmi ceux-ci, la vue correcte est le précurseur. Et comment la vue correcte est-elle le précurseur? [Un individu] comprend la parole erronée comme 'parole erronée' et il comprend la parole correcte comme 'parole correcte': voici, bhikkhous, ce qu'est sa vue correcte. Et qu'est-ce, bhikkhous, que la parole erronée? Les paroles fausses, les paroles médisantes, les paroles dures et les paroles frivoles: voici, bhikkhous, ce qu'est la parole erronée. Et qu'est-ce, bhikkhous, que la parole correcte? La parole correcte, je déclare, est de deux sortes: il y a la parole correcte accompagnée de corruptions de l'esprit, qui procure du mérite, et résulte en substrat d'attachement; il y a la parole correcte sans corruptions de l'esprit, transcendante, qui est une composante de la voie. Et qu'est-ce, bhikkhous, que la parole correcte accompagnée de corruptions de l'esprit, qui procure du mérite, et résulte en substrat d'attachement? [Un individu] s'abstient des paroles fausses, il s'abstient des paroles médisantes, il s'abstient des paroles dures et il s'abstient des paroles frivoles: voici, bhikkhous, ce qu'est sa parole correcte, qui est accompagnée de corruptions de l'esprit, qui procure du mérite, et résulte en substrat d'attachement. Et qu'est-ce, bhikkhous, que la parole correcte sans corruptions de l'esprit, transcendante, qui est une composante de la voie? Chez celui dont l'esprit est noble, dont l'esprit est sans corruptions, qui possède complètement la noble voie, qui développe la noble voie, l'abstinence, le désistement, le non-engagement dans les quatre mauvais comportements verbaux: Ainsi, [un individu] s'efforce d'abandonner la parole erronée...

Comme précédemment, la définition standard de la parole erronée nous est donnée, après quoi la définition habituelle telle que donnée à SN 45.8 est également en quelque sorte présentée comme inférieure, de nouveau en contradiction avec le reste des souttas, et une autre définition est proposée, qui est de toute évidence un import depuis l'Abhidhamma, puisque la formule "catūhi vacīduccaritehi ārati virati paṭivirati veramaṇī" n'apparaît nulle part ailleurs:

Vb 206

Tattha katamā sammāvācā? Yā catūhi vacīduccaritehi ārati virati paṭivirati veramaṇī akiriyā akaraṇaṃ anajjhāpatti velāanatikkamo setughāto sammāvācā maggaṅgaṃ maggapariyāpannaṃ: ayaṃ vuccati “sammāvācā”.

En cela, qu'est-ce que la parole correcte? L'abstinence, le désistement, le non-engagement dans les quatre mauvais comportements verbaux, la non-action, ne pas faire, ne pas s'engager dans la transgression, ne pas outrepasser la limite, la destruction du pont [menant à la transgression], la parole correcte en tant que composante de la voie, appartenant à la voie: voici ce qu'on appelle 'parole correcte'.




Tatra, bhikkhave, sammādiṭṭhi pubbaṅgamā hoti... Katamo ca, bhikkhave, micchākammanto? Pāṇātipāto, adinnādānaṃ, kāmesumicchācāro: ayaṃ, bhikkhave, micchākammanto. Katamo ca, bhikkhave, sammākammanto? Sammākammantaṃpahaṃ, bhikkhave, dvāyaṃ vadāmi – atthi, bhikkhave, sammākammanto sāsavo puññabhāgiyo upadhivepakko; atthi, bhikkhave, sammākammanto ariyo anāsavo lokuttaro maggaṅgo. Katamo ca, bhikkhave, sammākammanto sāsavo puññabhāgiyo upadhivepakko? Pāṇātipātā veramaṇī, adinnādānā veramaṇī, kāmesumicchācārā veramaṇī: ayaṃ, bhikkhave, sammākammanto sāsavo puññabhāgiyo upadhivepakko. Katamo ca, bhikkhave, sammākammanto ariyo anāsavo lokuttaro maggaṅgo? Yā kho, bhikkhave, ariyacittassa anāsavacittassa ariyamaggasamaṅgino ariyamaggaṃ bhāvayato tīhi kāyaduccaritehi ārati virati paṭivirati veramaṇī: ayaṃ, bhikkhave, sammākammanto ariyo anāsavo lokuttaro maggaṅgo. So micchākammantassa pahānāya vāyamati...

Parmi ceux-ci, la vue correcte est le précurseur... Et qu'est-ce, bhikkhous, que l'action erronée? La destruction de la vie, l'appropriation de ce qui n'a pas été donné et la méconduite en raison des plaisirs sensuels: voici, bhikkhous, ce qu'est l'action erronée. Et qu'est-ce, bhikkhous, que l'action correcte? L'action correcte, je déclare est de deux sortes: il y a l'action correcte accompagnée de corruptions de l'esprit, qui procure du mérite, et résulte en substrat d'attachement; il y a l'action correcte sans corruptions de l'esprit, transcendante, qui est une composante de la voie. Et qu'est-ce, bhikkhous, que l'action correcte accompagnée de corruptions de l'esprit, qui procure du mérite, et résulte en substrat d'attachement? [Un individu] s'abstient de la destruction de la vie, il s'abstient de s'emparer de ce qui n'a pas été donné, il s'abstient de la méconduite en raison des plaisirs sensuels: voici, bhikkhous, quelle est son action correcte qui est accompagnée de corruptions de l'esprit, qui procure du mérite, et résulte en substrat d'attachement. Et qu'est-ce, bhikkhous, que l'action correcte sans corruptions de l'esprit, transcendante, qui est une composante de la voie? Chez celui dont l'esprit est noble, dont l'esprit est sans corruptions, qui possède complètement la noble voie, qui développe la noble voie, l'abstinence, le désistement, le non-engagement dans les trois mauvais comportements corporels: voici, bhikkhous, quelle est l'action correcte sans corruptions de l'esprit, transcendante, qui est une composante de la voie. Ainsi, [un individu] s'efforce d'abandonner l'action erronée...

Même chose que précédemment, on retrouve les mêmes contradictions avec le reste des souttas, et la formule est importée du même endroit dans le Vibhaṅga:

Vb 206

Tattha katamo sammākammanto? Yā tīhi kāyaduccaritehi ārati virati paṭivirati veramaṇī akiriyā akaraṇaṃ anajjhāpatti velāanatikkamo setughāto sammākammanto maggaṅgaṃ maggapariyāpannaṃ: ayaṃ vuccati “sammākammanto”.

En cela, qu'est-ce que l'action correcte? L'abstinence, le désistement, le non-engagement dans les trois mauvais comportements corporels, la non-action, ne pas faire, ne pas s'engager dans la transgression, ne pas outrepasser la limite, la destruction du pont [menant à la transgression], l'action correcte en tant que composante de la voie, appartenant à la voie: voici ce qu'on appelle 'action correcte'.


Ensuite:


Tatra, bhikkhave, sammādiṭṭhi pubbaṅgamā hoti... Katamo ca, bhikkhave, micchāājīvo? Kuhanā, lapanā, nemittikatā, nippesikatā, lābhena lābhaṃ nijigīsanatā: ayaṃ, bhikkhave, micchāājīvo.

Parmi ceux-ci, la vue correcte est le précurseur... Et que sont les moyens de subsistance erronés? La manipulation par le comportement, la manipulation par la parole, la lecture des présages, la déconsidération, et l'accumulation des acquisitions: voici ce qu'on appelle les moyens de subsistance erronés.

Cette fois, la définition des moyens de subsistance erronés correspond à une liste d'activités répréhensibles donnée dans le DN, et à AN 5.83 comme suit:

AN 5.83

Pañcahi, bhikkhave, dhammehi samannāgato thero bhikkhu sabrahmacārīnaṃ appiyo ca hoti amanāpo ca agaru ca abhāvanīyo ca. Katamehi pañcahi? Kuhako ca hoti, lapako ca, nemittiko ca, nippesiko ca, lābhena ca lābhaṃ nijigīsitā.

Doué de ces cinq choses, bhikkhous, un bhikkhu ancien est désagréable à ses compagnons dans la vie brahmique, dégoûtant, il n'est pas vénérable et n'est pas à être respecté. Quelles sont ces cinq? Il manipule par son comportement, il manipule par sa parole, il lit les présages, il déconsidère les autres, et il cherche à accumuler les acquisitions.

En général, on ne trouve pas de définition précise des moyens de subsistance erronés, bien que quelques exemples particuliers soient donnés ici et là. Celle que l'on trouve dans ce passage du Mahācattārīsaka Sutta constitue l'un d'entre eux.


Katamo ca, bhikkhave, sammāājīvo? Sammāājīvaṃpahaṃ, bhikkhave, dvāyaṃ vadāmi – atthi, bhikkhave, sammāājīvo sāsavo puññabhāgiyo upadhivepakko; atthi, bhikkhave, sammāājīvo ariyo anāsavo lokuttaro maggaṅgo. Katamo ca, bhikkhave, sammāājīvo sāsavo puññabhāgiyo upadhivepakko? Idha, bhikkhave, ariyasāvako micchāājīvaṃ pahāya sammāājīvena jīvikaṃ kappeti: ayaṃ, bhikkhave, sammāājīvo sāsavo puññabhāgiyo upadhivepakko. Katamo ca, bhikkhave, sammāājīvo ariyo anāsavo lokuttaro maggaṅgo? Yā kho, bhikkhave, ariyacittassa anāsavacittassa ariyamaggasamaṅgino ariyamaggaṃ bhāvayato micchāājīvā ārati virati paṭivirati veramaṇī: ayaṃ, bhikkhave, sammāājīvo ariyo anāsavo lokuttaro maggaṅgo. So micchāājīvassa pahānāya vāyamati...

Et que sont les moyens de subsistance corrects? Les moyens de subsistance corrects, je déclare sont de deux sortes: il y a les moyens de subsistance corrects accompagnés de corruptions de l'esprit, qui procurent du mérite, et résultent en substrat d'attachement; il y a les moyens de subsistance corrects sans corruptions de l'esprit, transcendants, qui sont une composante de la voie. Et que sont, bhikkhous, les moyens de subsistance corrects accompagnés de corruptions de l'esprit, qui procurent du mérite, et résultent en substrat d'attachement? En cela, bhikkhous, un noble disciple, ayant abandonné les moyens de subsistance erronés, mène sa vie sur la base de moyens de subsistance corrects: voici, bhikkhous, ce que sont les moyens de subsistance corrects accompagnés de corruptions de l'esprit, qui procurent du mérite, et résultent en substrat d'attachement. Et que sont, bhikkhous, les moyens de subsistance corrects sans corruptions de l'esprit, transcendants, qui sont une composante de la voie? Chez celui dont l'esprit est noble, dont l'esprit est sans corruptions, qui possède complètement la noble voie, qui développe la noble voie, l'abstinence, le désistement, le non-engagement, l'abstention des moyens de subsistance erronés: voici, bhikkhous, quelle est l'action correcte sans corruptions de l'esprit, transcendante, qui est une composante de la voie. Ainsi, [un individu] s'efforce d'abandonner les moyens de subsistance erronés...

Tout comme dans les cas précédents, la formule n'apparaît nulle part ailleurs que dans le Vibhaṅga:

Vb 206

Tattha katamo sammāājīvo? yā micchāājīvā ārati virati paṭivirati veramaṇī akiriyā akaraṇaṃ anajjhāpatti velāanatikkamo setughāto sammāājīvo maggaṅgaṃ maggapariyāpannaṃ: ayaṃ vuccati “sammāājīvo”.

En cela, que sont les moyens de subsistance corrects? L'abstinence, le désistement, le non-engagement, l'abstention des moyens de subsistance erronés, la non-action, ne pas faire, ne pas s'engager dans la transgression, ne pas outrepasser la limite, la destruction du pont [menant à la transgression], les moyens de subsistance corrects en tant que composante de la voie, appartenant à la voie: voici ce qu'on appelle 'moyens de subsistance corrects'.


Ensuite:


Tatra, bhikkhave, sammādiṭṭhi pubbaṅgamā hoti. Kathañca, bhikkhave, sammādiṭṭhi pubbaṅgamā hoti? Sammādiṭṭhissa, bhikkhave, sammāsaṅkappo pahoti, sammāsaṅkappassa sammāvācā pahoti, sammāvācassa sammākammanto pahoti, sammākammantassa sammāājīvo pahoti, sammāājīvassa sammāvāyāmo pahoti, sammāvāyāmassa sammāsati pahoti, sammāsatissa sammāsamādhi pahoti, sammāsamādhissa sammāñāṇaṃ pahoti, sammāñāṇassa sammāvimutti pahoti.

Parmi ceux-ci, la vue correcte est le précurseur. Et comment la vue correcte est-elle le précurseur? Chez celui qui est doué de vue correcte, les aspirations correctes apparaissent; chez celui qui est doué d'aspirations correctes, la parole correcte apparaît; chez celui qui est doué de la parole correcte, l'action correcte apparaît; chez celui qui est doué d'action correcte, les moyens de subsistance corrects apparaissent; chez celui qui est doué des moyens de subsistance corrects, l'effort correct apparaît; chez celui qui est doué d'effort correct, l'attention correcte apparaît; chez celui qui est doué d'attention correcte, la concentration correcte apparaît; chez celui qui est doué de concentration correcte, la connaissance correcte apparaît; chez celui qui est doué de connaissance correcte, la libération correcte apparaît.

Ce passage apparaît également ailleurs, eg. à SN 45.1, AN 10.103 et DN 18. Ce qui peut sembler un peu étrange, c'est qu'au début du soutta, il a été dit: 1) que le thème principal de ce soutta est la concentration correcte et 2) que ses supports et ses conditions requises, qui constituent le thème secondaire, sont au nombre de sept. Mais dans ce passage, les composantes du sentier sont au nombre de dix, incluant la connaissance correcte et la libération correcte. De plus, jusqu'ici, la concentration correcte ne semble pas être traitée comme un centre d'intérêt particulier.


Iti kho, bhikkhave, aṭṭhaṅgasamannāgato sekkho, dasaṅgasamannāgato arahā hoti

Ainsi, bhikkhous, celui qui est en apprentissage est doué de huit facteurs et l'arahant est doué de dix facteurs.




Tatra, bhikkhave, sammādiṭṭhi pubbaṅgamā hoti. Kathañca, bhikkhave, sammādiṭṭhi pubbaṅgamā hoti? Sammādiṭṭhissa, bhikkhave, micchādiṭṭhi nijjiṇṇā hoti. Ye ca micchādiṭṭhipaccayā aneke pāpakā akusalā dhammā sambhavanti te cassa nijjiṇṇā honti. Sammādiṭṭhipaccayā aneke kusalā dhammā bhāvanāpāripūriṃ gacchanti. Sammāsaṅkappassa, bhikkhave, micchāsaṅkappo nijjiṇṇo hoti…pe… sammāvācassa, bhikkhave, micchāvācā nijjiṇṇā hoti… sammākammantassa, bhikkhave, micchākammanto nijjiṇṇo hoti… sammāājīvassa, bhikkhave, micchāājīvo nijjiṇṇo hoti… sammāvāyāmassa, bhikkhave, micchāvāyāmo nijjiṇṇo hoti… sammāsatissa, bhikkhave, micchāsati nijjiṇṇā hoti… sammāsamādhissa, bhikkhave, micchāsamādhi nijjiṇṇo hoti… sammāñāṇassa, bhikkhave, micchāñāṇaṃ nijjiṇṇaṃ hoti… sammāvimuttassa, bhikkhave, micchāvimutti nijjiṇṇā hoti. Ye ca micchāvimuttipaccayā aneke pāpakā akusalā dhammā sambhavanti te cassa nijjiṇṇā honti. Sammāvimuttipaccayā ca aneke kusalā dhammā bhāvanāpāripūriṃ gacchanti.

Parmi ceux-ci, la vue correcte est le précurseur. Et comment la vue correcte est-elle le précurseur? Chez celui qui est doué de vue correcte, la vue erronée est vaincue. Les nombreux états mentaux mauvais et désavantageux qui apparaissent sur la base de la vue erronée sont également vaincus. Les nombreux états mentaux avantageux qui apparaissent sur la base de la vue correcte vont à la complétude de leur développement. Chez celui qui est doué d'aspirations correctes, les aspirations erronées sont vaincues... Chez celui qui est doué de la parole correcte, la parole erronée est vaincue... Chez celui qui est doué d'action correcte, l'action erronée est vaincue... Chez celui qui est doué de moyens de subsistance corrects, les moyens de subsistance erronés sont vaincus... Chez celui qui est doué d'effort correct, l'effort erroné est vaincu... Chez celui qui est doué d'attention correcte, l'attention erronée est vaincue... Chez celui qui est doué de concentration correcte, la concentration erronée est vaincue... Chez celui qui est doué de connaissance correcte, la connaissance erronée est vaincue... Chez celui qui est doué de libération correcte, la libération erronée est vaincue. Les nombreux états mentaux mauvais et désavantageux qui apparaissent sur la base de la libération erronée sont également vaincus. Les nombreux états mentaux avantageux qui apparaissent sur la base de la libération correcte vont à la complétude de leur développement.

Ce passage est identique à ce qu'on trouve à AN 10.106, donc probablement d'origine ancienne.


Iti kho, bhikkhave, vīsati kusalapakkhā, vīsati akusalapakkhā. Mahācattārīsako dhammapariyāyo pavattito appaṭivattiyo samaṇena vā brāhmaṇena vā devena vā mārena vā brahmunā vā kenaci vā lokasmiṃ.

Ainsi, bhikkhous, il y en a vingt du côté avantageux et vingt du côté désavantageux. Ce discours sur le Dhamma concernant les Quarante Grands a été mis en mouvement et ne peut être stoppé par aucun samana, brahmane, deva, Māra, Brahmā, ou qui que ce soit dans le monde.

C'est une formule assez grandiloquente, utilisée par exemple à la fin du Dhammacakkappavattana Sutta (SN 56.11).


Yo hi koci, bhikkhave, samaṇo vā brāhmaṇo vā imaṃ mahācattārīsakaṃ dhammapariyāyaṃ garahitabbaṃ paṭikkositabbaṃ maññeyya tassa diṭṭheva dhamme dasasahadhammikā vādānuvādā gārayhaṃ ṭhānaṃ āgacchanti – sammādiṭṭhiṃ ce bhavaṃ garahati, ye ca micchādiṭṭhī samaṇabrāhmaṇā te bhoto pujjā, te bhoto pāsaṃsā. sammāsaṅkappaṃ ce bhavaṃ garahati, ye ca micchāsaṅkappā samaṇabrāhmaṇā te bhoto pujjā, te bhoto pāsaṃsā. sammāvācaṃ ce bhavaṃ garahati…pe… sammākammantaṃ ce bhavaṃ garahati… sammāājīvaṃ ce bhavaṃ garahati… sammāvāyāmaṃ ce bhavaṃ garahati… sammāsatiṃ ce bhavaṃ garahati… sammāsamādhiṃ ce bhavaṃ garahati… sammāñāṇaṃ ce bhavaṃ garahati … sammāvimuttiṃ ce bhavaṃ garahati, ye ca micchāvimuttī samaṇabrāhmaṇā te bhoto pujjā, te bhoto pāsaṃsā. Yo koci, bhikkhave, samaṇo vā brāhmaṇo vā imaṃ mahācattārīsakaṃ dhammapariyāyaṃ garahitabbaṃ paṭikkositabbaṃ maññeyya tassa diṭṭheva dhamme ime dasasahadhammikā vādānuvādā gārayhaṃ ṭhānaṃ āgacchanti. Yepi te, bhikkhave, ahesuṃ okkalā vassabhaññā ahetuvādā akiriyavādā natthikavādā tepi mahācattārīsakaṃ dhammapariyāyaṃ na garahitabbaṃ napaṭikkositabbaṃ amaññiṃsu. Taṃ kissa hetu? Nindābyārosaupārambhabhayā ti.

Si un quelconque samana ou brahmane imagine que ce discours sur le Dhamma concernant les Quarante Grands devrait être critiqué et rejeté, il y a ces dix implications déduites justement de son affirmation qui permettent de le critiquer ici et maintenant: S'il critique la vue correcte, il honore les samanas et brahmanes faisant preuve de vue erronée, il en fait l'éloge. S'il critique les aspirations correctes... S'il critique la parole correcte... S'il critique l'action correcte... S'il critique les moyens de subsistance corrects... S'il critique l'effort correct... S'il critique l'attention correcte... S'il critique la concentration correcte... S'il critique la connaissance correcte... S'il critique la libération correcte, il honore les samanas et brahmanes doué de libération erronée, il en fait l'éloge. Si un quelconque samana ou brahmane imagine que ce discours sur le Dhamma concernant les Quarante Grands devrait être critiqué et rejeté, il y a ces dix implications déduites justement de son affirmation qui permettent de le critiquer ici et maintenant. Même Vassa et Bhañña, ces enseignants d'Okkala qui ont été partisans de la non-causalité, de la non-action et de la non-existence, ne penseraient pas que ce discours sur le Dhamma concernant les Quarante Grands devrait être critiqué et rejeté. Pourquoi cela? Par peur de la critique, de l'opposition et des reproches.

Ce passage est très similaire à AN 4.30:


MN 117:

Yo hi koci, bhikkhave, samaṇo vā brāhmaṇo vā imaṃ mahācattārīsakaṃ dhammapariyāyaṃ garahitabbaṃ paṭikkositabbaṃ maññeyya tassa diṭṭheva dhamme dasasahadhammikā vādānuvādā gārayhaṃ ṭhānaṃ āgacchanti – sammādiṭṭhiṃ ce bhavaṃ garahati, ye ca micchādiṭṭhī samaṇabrāhmaṇā te bhoto pujjā, te bhoto pāsaṃsā. sammāsaṅkappaṃ ce bhavaṃ garahati, ye ca micchāsaṅkappā samaṇabrāhmaṇā te bhoto pujjā, te bhoto pāsaṃsā. sammāvācaṃ ce bhavaṃ garahati…pe… sammākammantaṃ ce bhavaṃ garahati… sammāājīvaṃ ce bhavaṃ garahati… sammāvāyāmaṃ ce bhavaṃ garahati… sammāsatiṃ ce bhavaṃ garahati… sammāsamādhiṃ ce bhavaṃ garahati… sammāñāṇaṃ ce bhavaṃ garahati … sammāvimuttiṃ ce bhavaṃ garahati, ye ca micchāvimuttī samaṇabrāhmaṇā te bhoto pujjā, te bhoto pāsaṃsā. Yo koci, bhikkhave, samaṇo vā brāhmaṇo vā imaṃ mahācattārīsakaṃ dhammapariyāyaṃ garahitabbaṃ paṭikkositabbaṃ maññeyya tassa diṭṭheva dhamme ime dasasahadhammikā vādānuvādā gārayhaṃ ṭhānaṃ āgacchanti. Yepi te, bhikkhave, ahesuṃ ukkalā vassabhaññā ahetuvādā akiriyavādā natthikavādā tepi mahācattārīsakaṃ dhammapariyāyaṃ na garahitabbaṃ napaṭikkositabbaṃ amaññiṃsu. Taṃ kissa hetu? Nindābyārosaupārambhabhayā ti.

AN 4.30:

Yo kho, paribbājakā, imāni cattāri dhammapadāni garahitabbaṃ paṭikkositabbaṃ maññeyya, tassa diṭṭheva dhamme cattāro sahadhammikā vādānuvādā gārayhaṃ ṭhānaṃ āgacchanti. Katame cattāro? Anabhijjhaṃ ce bhavaṃ dhammapadaṃ garahati paṭikkosati, ye ca hi abhijjhālū kāmesu tibbasārāgā samaṇabrāhmaṇā te bhoto pujjā te bhoto pāsaṃsā. Abyāpādaṃ ce bhavaṃ dhammapadaṃ garahati paṭikkosati, ye ca hi byāpannacittā paduṭṭhamanasaṅkappā samaṇabrāhmaṇā te bhoto pujjā te bhoto pāsaṃsā. Sammāsatiṃ ce bhavaṃ dhammapadaṃ garahati paṭikkosati, ye ca hi muṭṭhassatī asampajānā samaṇabrāhmaṇā te bhoto pujjā te bhoto pāsaṃsā. Sammāsamādhiṃ ce bhavaṃ dhammapadaṃ garahati paṭikkosati, ye ca hi asamāhitā vibbhantacittā samaṇabrāhmaṇā te bhoto pujjā te bhoto pāsaṃsā. Yo kho, paribbājakā, imāni cattāri dhammapadāni garahitabbaṃ paṭikkositabbaṃ maññeyya, tassa diṭṭheva dhamme ime cattāro sahadhammikā vādānuvādā gārayhā ṭhānā āgacchanti. Yepi te paribbājakā ahesuṃ ukkalā vassabhaññā ahetukavādā akiriyavādā natthikavādā, tepi imāni cattāri dhammapadāni na garahitabbaṃ na paṭikkositabbaṃ amaññiṃsu. Taṃ kissa hetu? Nindābyārosanaupārambhabhayā ti.





Conclusion:


On peut conclure avec quelques observations générales. Dans ce sutta:

1) il y a des enseignements que l'on retrouve également dans d'autres souttas.

2) il y a des enseignements particuliers qu'on ne trouve nulle part ailleurs et qui semblent tout à fait authentiques, ce qui tend à prouver qu'il y aurait une version authentique de ce soutta.

3) des distinctions sont faites dans les enseignements du Bouddha, qui sont apparemment basées sur une opinion exprimée dans le Khuddaka Nikāya, et selon laquelle il y aurait une part 'inférieure' des enseignements liée à l'accumulation du mérite etc. et une part supérieure, 'noble', liée à la vue pénétrante etc.

4) le mot 'sāsava' est utilisé ici dans un sens qui est en accord avec la littérature tardive, mais qui est en contradiction directe avec des enseignements bien connus par ailleurs dans les quatre Nikāyas, ce qui tend aussi à prouver que ce soutta a été influencé par des textes d'origine assez tardive pour qu'une telle dérive sémantique ait eu le temps de se produire.

5) on trouve des mots et expressions très rares qui ne se trouvent nulle part ailleurs que dans le Khuddaka Nikāya ou dans l'Abhidhamma.

6) on trouve des définitions alternatives des composantes de la voie qui sont indubitablement tirées de l'Abhidhamma, puisque c'est le seul endroit où on les trouve en dehors de ce soutta.

7) certains passages semblent exprimer un certain mépris pour les enseignements anciens et une volonté de promouvoir des enseignements importés du Khuddaka Nikāya et de l'Abhidhamma.

Tout cela est plus que suffisant pour conclure que, bien qu'il semble avoir un fond authentique, ce soutta a été largement influencé par des textes d'origine tardive.

C'est une bonne occasion de se rappeler la réflexion faite, d'après la tradition, à Sandaka par Ānanda:

MN 76

Puna caparaṃ, sandaka, idhekacco satthā anussaviko hoti anussavasacco. So anussavena itihitihaparamparāya piṭakasampadāya dhammaṃ deseti. Anussavikassa kho pana, sandaka, satthuno anussavasaccassa sussutampi hoti dussutampi hoti tathāpi hoti aññathāpi hoti.

En outre, Sandaka, maintenant un certain enseignant est un traditionaliste, considérant la tradition orale comme la vérité. Il professe un enseignement basé sur la tradition orale, basé sur des séries de légendes, basé sur des collections de textes transmis. Mais lorsqu'un enseignant est un traditionaliste, considérant la tradition orale comme la vérité, certaines choses sont bien transmises, certaines sont mal transmises, certaines sont factuelles, et d'autres sont autrement.




Plutôt que de conclure de tout ceci que cela ne vaut pas la peine d'étudier les écritures Pali anciennes, on devrait plutôt en conclure que nous devons nous concentrer sur les enseignements les plus anciens et les plus authentiques, ie:

1) nous devrions nous concentrer sur ces affirmations qui n'en appellent pas à la foi pour être acceptés, qui sont au contraire facilement vérifiables par chacun dans sa propre expérience, qui sont simples et faciles à comprendre intellectuellement, et en même temps profonds, éclairants, inspirants et invitant à faire un effort, comme par exemple les affirmations suivantes:

SN 12.52

Upādānīyesu bhikkhave, dhammesu assādānupassino viharato taṇhā pavaḍḍhati (...) Upādānīyesu bhikkhave, dhammesu ādīnavānupassino viharato taṇhā nirujjhati.

Chez celui qui demeure à contempler les attraits des phénomènes induisant l'attachement, l'avidité augmente (...) Chez celui qui demeure à contempler les inconvénients des phénomènes induisant l'attachement, l'avidité cesse.


2) nous devrions également rechercher les enseignements qui sont répétés partout dans les écritures Pali. Pour cela, voir la page des Formules Pali.

3) nous devrions nous reposer prioritairement sur notre propre autodiscipline et pratique correcte, comme le Bouddha l'explique à Ānanda:

SN 47.13

Taṃ kutettha, ānanda, labbhā, 'yaṃ taṃ jātaṃ bhūtaṃ saṅkhataṃ palokadhammaṃ, taṃ vata mā palujjī'ti. Netaṃ ṭhānaṃ vijjati. Tasmātihānanda, attadīpā viharatha attasaraṇā anaññasaraṇā, dhammadīpā dhammasaraṇā anaññasaraṇā.

Depuis quand, Ānanda, peut-on obtenir: 'Puisse ce qui est né, qui est venu à l'existence, qui est un phénomène construit et est par nature sujet à la désintégration, ne pas se désintégrer!'? Cela est impossible. C'est pourquoi, Ānanda, chacun de vous devrait demeurer en ayant lui-même pour île, lui-même pour refuge, sans avoir d'autre refuge; en ayant le Dhamma pour île, le Dhamma pour refuge, sans avoir d'autre refuge.

Kathañcānanda, bhikkhu attadīpo viharati attasaraṇo anaññasaraṇo, dhammadīpo dhammasaraṇo anaññasaraṇo? Idhānanda, bhikkhu kāye kāyānupassī viharati ātāpī sampajāno satimā, vineyya loke abhijjhādomanassaṃ; vedanāsu vedanānupassī viharati ātāpī sampajāno satimā, vineyya loke abhijjhā-domanassaṃ; citte cittānupassī viharati ātāpī sampajāno satimā, vineyya loke abhijjhā-domanassaṃ; dhammesu dhammānupassī viharati ātāpī sampajāno satimā, vineyya loke abhijjhā-domanassaṃ.

Et comment, Ānanda, un bhikkhu vit-il en ayant lui-même pour île, lui-même pour refuge, sans avoir d'autre refuge; en ayant le Dhamma pour île, le Dhamma pour refuge, sans avoir d'autre refuge? En cela, Ānanda, un bhikkhu reste à observer le corps dans le corps, ardent, doué d'une compréhension attentive, présent d'esprit, ayant abandonné avidité et affliction vis-à-vis du monde; il reste à observer les ressentis dans les ressentis, ardent, doué d'une compréhension attentive, présent d'esprit, ayant abandonné avidité et affliction vis-à-vis du monde; il reste à observer l'esprit dans l'esprit, ardent, doué d'une compréhension attentive, présent d'esprit, ayant abandonné avidité et affliction vis-à-vis du monde; il reste à observer le Dhamma dans les phénomènes, ardent, doué d'une compréhension attentive, présent d'esprit, ayant abandonné avidité et affliction vis-à-vis du monde.

Evaṃ kho, ānanda, bhikkhu attadīpo viharati attasaraṇo anaññasaraṇo, dhammadīpo dhammasaraṇo anaññasaraṇo. Ye hi keci, ānanda, etarahi vā mamaccaye vā attadīpā viharissanti attasaraṇā anaññasaraṇā, dhammadīpā dhammasaraṇā anaññasaraṇā; tamatagge mete, ānanda, bhikkhū bhavissanti ye keci sikkhākāmā ti.

Voici, Ānanda, comment un bhikkhu vit en ayant lui-même pour île, lui-même pour refuge, sans avoir d'autre refuge; en ayant le Dhamma pour île, le Dhamma pour refuge, sans avoir d'autre refuge. Que ce soit maintenant, Ānanda, ou une fois que je serai parti, tous ceux qui vivront en ayant eux-mêmes pour île, eux-mêmes pour refuge, sans avoir d'autre refuge; en ayant le Dhamma pour île, le Dhamma pour refuge, sans avoir d'autre refuge; ceux-là, Ānanda, seront les plus éminents parmi les bhikkhous qui désirent l'entraînement.




Bodhi leaf

Note


1. développe la vie brahmique en observant la vertu de la restreinte: cette affirmation n'est pas cohérente avec ce qu'on trouve par ailleurs dans les souttas. La question suivante apparît plus de cinquante fois dans les quatre Nikāyas:

Kim·atthiyaṃ samaṇe gotame brahma·cariyaṃ vussatī ti?
Dans quel but la vie brahmique est-elle vécue sous l'ascète Gotama?

Voici quelques réponses proposées qui montrent clairement que la vie brahmique est connectée à l'abandon, et pas simplement à la restreinte:

SN 51.15:
Chanda·p·pahān·atthaṃ kho, brāhmaṇa, bhagavati brahma·cariyaṃ vussatī ti.
C'est dans le but d'abandonner le désir, brahmane, que la vie brahmique est vécue sous l'ascète Gotama.

AN 7.9:
Sattannaṃ, bhikkhave, saṃyojanānaṃ pahānāya samucchedāya brahmacariyaṃ vussati.
La vie brahmique, bhikkhous, est vécue pour l'abandon, le sectionnement des sept entraves.

Il est également intéressant de noter la progression de la distortion inventant une voie 'inférieure' et une voie 'supérieure', entre ce passage du Khuddaka Nikāya, le Mahācattārīsaka Sutta, et les théories qui viendront par la suite, telles que la supériorité de la voie du bodhisattva sur la 'voie de l'arahant' enseignée par le Bouddha.