parimukhaṃ

= autour de la bouche, près des narines, près de l'ouverture par laquelle l'air entre dans le corps.



Ce mot est d'une importance fondamentale pour la compréhension des instructions données par le Bouddha en ce qui concerne la pratique d'ānāpānassati.


Analyse sémantique:

pari- est un préfixe utilisé avec la connotation de autour, tout autour, près de (around, about, all over), ou bien celle de la complétude. Ainsi, dhāvati signifie 'courir' et paridhāvati signifie 'courir autour'; vajati - 'aller/ se diriger' devient paribbajati, 'voyager au loin', ie. 'vivre la vie d'un mendiant religieux'; carati - 'marcher' devient paricarati - 'marcher autour, ie. servir, honorer'; gaṇeti, 'compter' devient parigaṇeti - 'calculer'.

mukha signifie essentiellement et littéralement 'bouche', par extension 'visage' au figuré 'entrée', 'ouverture', 'bord', puis dans un sens plus abstrait 'le devant', 'le meilleur' et finalement 'ce qui est une entrée dans quelque chose', ie. 'un moyen', 'une cause'.

Strictement du point de vue de la sémantique (ie. en négligeant l'information contextuelle), les significations suivantes peuvent être dérivées de la juxtaposition de ces deux composants: autour de la bouche, près de la bouche, complètement sur la bouche, autour du visage, près du visage, complètement sur le visage, autour de l'entrée, près de l'entrée, complètement sur l'entrée, autour du devant, près du devant, complètement sur le devant.

Une analyse contextuelle et un peu de bon sens permettront de choisir une interprétation correcte.



Analyse contextuelle:

Dans le Sutta Piṭaka, le mot apparaît presque uniquement dans la formule suivante:

(bulles sur chacun des mots:)
... nisīdati pallaṅkaṃ ābhujitvā

... il s'assoit, fléchissant les jambes en les croisant,
ujuṃ kāyaṃ paṇidhāya

dressant le corps droit,
parimukhaṃ satiṃ upaṭṭhapetvā.

et mettant en place la présence de l'esprit parimukhaṃ.

Cette formule apparaît essentiellement comme une invariable introduction à Nīvaraṇānaṃ Pahāna ainsi qu'aux instructions d'Ānāpānassati. Dans ce dernier cas, dans le but d'observer la respiration, et en tenant compte de l'analyse sémantique ci-dessus, le méditant doit installer la présence de son esprit sur une zone située 'devant' le 'visage', 'près de la bouche', à 'l'entrée' par laquelle l'air entre dans le corps (les narines), où il peut naturellement ressentir les sensations liées au flot de la respiration et ainsi observer celle-ci correctement. La zone située entre la lèvre supérieure et l'entrée des narines correspond à ces caractéristiques.

Cette interprétation est confirmée par le Cūḷavagga du Vinaya Piṭaka, dans lequel il est clair que parimukhaṃ est une partie de la zone où se trouve la barbe, très probablement la zone de la moustache, dans la phrase suivante:

'Na, bhikkhave, massu parimukhaṃ kārāpetabbaṃ'
la barbe ne doit pas être faite [=coupée/coiffée] parimukhaṃ

(ie. il n'est pas permis de porter la moustache)



Définitions données dans les autres textes:

1) Le Vibhaṅga de l'Abhidhamma Piṭaka confirme également cette interprétation, dans la définition suivante:

Ayaṃ sati upaṭṭhitā hoti supaṭṭhitā
Cette présence de l'esprit est mise en place, bien mise en place,

nāsik-agge vā mukhanimitte vā.
au bout du nez, ou en prenant la bouche pour objet.

Tena vuccati: ‘parimukhaṃ satiṃ upaṭṭhapetvā’ ti.
Voici ce qu'on appelle: 'mettant en place la présence de l'esprit parimukhaṃ.

Ici, nāsikagge ([nāsika+agga], le bout du nez) et mukhanimitte (la bouche en tant qu'objet) font tous deux référence à la même zone autour de la bouche, à l'entrée des narines.



2) Le Paṭisambhidāmagga du Khuddaka Nikāya confirme également cette interprétation, dans la définition suivante:

'Parimukhaṃ satiṃ upaṭṭhapetvā' ti.
'mettant en place la présence de l'esprit parimukhaṃ':

'Parī'ti pariggahaṭṭho. 'Mukha'nti niyyānaṭṭho. 'Satī'ti upaṭṭhānaṭṭho'
'Parī' signifie saisir, 'Mukha' signifie sortie, 'Satī' signifie attention.

Ici, niyyāna (sortie, issue) fait de nouveau référence à l'endroit où l'air entre dans le corps (les narines).



3) Une autre confirmation, qui reprend l'explication du Paṭisambhidāmagga, est donnée dans le Commentaire (Aṭṭhakathā) au Pārājikakaṇḍa du Vinaya Piṭaka:

'Parimukhaṃ satiṃ upaṭṭhapetvā'ti
'mettant en place la présence de l'esprit parimukhaṃ' signifie

kammaṭṭhānābhimukhaṃ satiṃ ṭhapayitvā.
installant la présence de l'esprit vers l'objet de méditation

'Parī'ti pariggahaṭṭho. 'Mukha'nti niyyānaṭṭho. 'Satī'ti upaṭṭhānaṭṭho'
'Parī' signifie saisir, 'Mukha' signifie sortie, 'Satī' signifie attention.

Exactement le même commentaire apparaît dans le Visuddhimagga.



4) Le cas du Cūḷavagga Aṭṭhakathā: en rapport au passade du Cūḷavagga cité plus haut, ayant trait au port de la moustache, le Commentaire écrit:

'Parimukhan'ti: ure loma-saṃharaṇaṃ'.
Parimukhaṃ signifie rassemblant/coiffant les poils sur la poitrine

Ici, mis à part le fait que parimukhaṃ est expliqué de manière inappropriée non comme une zone du corps mais comme une action, la barbe (massu) est remplacée sans raison valable apparente par les poils (loma) de la poitrine (ura). Parler de coiffer les poils de la poitrine, surtout dans le cas d'un ascète, ne fait pas beaucoup de sens; par contre, qu'à un certain moment des bhikkhus indisciplinés aient décidé de porter la moustache, ce qui était commun à l'époque, est une éventualité à laquelle on pourrait bien plus s'attendre. Cette affirmation curieusement inappropriée, qui va à l'encontre du bon sens aussi bien que du reste de la littérature Pali, peut donc être raisonnablement ignorée et classée comme une erreur, quelles qu'aient pu être les raisons de son apparition.

Dans tous les cas, il n'est nulle part fait mention de parimukhaṃ comme faisant référence à l'abdomen.


Bodhi leaf