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AN 10.29
Kosala Sutta
— Le royaume du Kosala —

Le Bouddha énumère graduellement dix réalisations heureuses atteintes par des êtres, en commençant par la souveraineté du roi Pasenadi sur le Kosala et de Mahābrahmā sur l'ensemble du système-monde local, jusqu'à l'enseignement du huitième jhāna. Toutes sont rejetées comme étant insatisfaisantes.




(1) mendiants, aussi loin qu'on trouve les habitants de Kāsi [ Bénarès] et du Kosala, aussi loin que s'étend le royaume du roi Passénadi du Kossala, le roi Passénadi du Kossala est reconnu comme étant suprême. Mais même le roi Pasenadi est soumis au changement{1} et à la transformation. Voyant cela, le noble disciple instruit est désenchanté. Étant désenchanté, il devient dépassionné envers ce qui est suprême, pour ne rien dire de ce qui est inférieur.

(2) Aussi loin que le soleil et la lune gravitent et illuminent toutes les directions de leur lumière, aussi loin s'étend le système-monde à mille composantes. Dans ce système-monde à mille composantes, il y a mille lunes, mille soleils, mille monts Sineru roi des montagnes, mille continents Jambudīpa, mille continents occidentaux Goyana, mille continents septentrionaux Kuru, mille continents orientaux Videha, mille quatre grands océans, mille [paradis des dévas des] quatre grands rois, mille [paradis des dévas de] Tāvatiṃsā, mille [paradis des dévas de] Yāma, mille [paradis des dévas de] Tusita, mille [paradis des dévas] qui se complaisent dans la création, mille [paradis des dévas] qui contrôlent ce qui est créé par les autres, et mille mondes de Brahmā. Et dans ce système-monde à mille composantes, Mahābrahmā est reconnu comme étant suprême. Mais même Mahābrahmā est soumis au changement et à la transformation. Voyant cela, le noble disciple instruit est désenchanté. Étant désenchanté, il devient dépassionné envers ce qui est suprême, pour ne rien dire de ce qui est inférieur.

(3) Il y a une époque où ce monde arrive à sa fin. Lorsque le monde arrive à sa fin, la plupart des êtres renaissent parmi les dévas d'Ābhassarā [de radiance jaillissante]. Ils y restent pendant très longtemps, créés par l'esprit, se nourrissant de béatitude, rayonnants de lumière par eux-mêmes, traversant le ciel, séjournant dans la splendeur. Lorsque le monde arrive à sa fin, les dévas d'Ābhassarā sont reconnus comme étant suprêmes. Mais même les dévas d'Ābhassarā sont soumis au changement et à la transformation. Voyant cela, le noble disciple instruit est désenchanté. Étant désenchanté, il devient dépassionné envers ce qui est suprême, pour ne rien dire de ce qui est inférieur.

(4) Il y a ces dix kasiṇas.{2} Quels sont ces dix? Quelqu'un perçoit le kasiṇa de la terre, au-dessus, en-dessous, de tous les côtés, indivisé, illimité. Quelqu'un perçoit le kasiṇa de l'eau... du feu... du vent... le kasiṇa bleu... jaune... rouge... blanc... le kasiṇa de l'espace... le kasiṇa de la conscience, au-dessus, en-dessous, de tous les côtés, indivisés, illimités. Voici quels sont les dix kasiṇas. Il y a des êtres qui perçoivent de cette manière. Mais même les êtres qui perçoivent de cette manière sont soumis au changement et à la transformation. Voyant cela, le noble disciple instruit est désenchanté. Étant désenchanté, il devient dépassionné envers ce qui est suprême, pour ne rien dire de ce qui est inférieur.

(5) Il y a ces huit stades de maîtrise [mentale]. Quels sont ces huit?

(i) Quelqu'un percevant intérieurement la forme voit les formes extérieures comme limitées, belles ou laides. En les maîtrisant, il perçoit: 'Je sais, je vois'. Voici le premier stade de maîtrise.

(ii) Quelqu'un percevant intérieurement la forme voit les formes extérieures comme illimitées, belles ou laides. En les maîtrisant, il perçoit: 'Je sais, je vois'. Voici le second stade de maîtrise.

(iii) Quelqu'un percevant intérieurement le sans-forme voit les formes extérieures comme limitées, belles ou laides. En les maîtrisant, il perçoit: 'Je sais, je vois'. Voici le troisième stade de maîtrise.

(iv) Quelqu'un percevant intérieurement le sans-forme voit les formes extérieures comme illimitées, belles ou laides. En les maîtrisant, il perçoit: 'Je sais, je vois'. Voici le quatrième stade de maîtrise [mentale].

(v) Quelqu'un percevant intérieurement le sans-forme voit les formes extérieures comme bleues, bleues dans leur couleur, bleues dans leurs caractéristiques, bleues dans leur lueur. Tout comme une fleur de lin est bleue, bleue dans sa couleur, bleue dans ses caractéristiques, bleue dans sa lueur, ou tout comme la mousseline de Bénarès, lisse des deux côtés, est bleue, bleue dans sa couleur, bleue dans ses caractéristiques, bleue dans sa lueur, de la même manière, quelqu'un percevant intérieurement le sans-forme voit les formes extérieures comme bleues, bleues dans leur couleur, bleues dans leurs caractéristiques, bleues dans leur lueur. En les maîtrisant, il perçoit: 'Je sais, je vois'. Voici le cinquième stade de maîtrise.

(vi) Quelqu'un percevant intérieurement le sans-forme voit les formes extérieures comme jaunes, jaunes dans leur couleur, jaunes dans leurs caractéristiques, jaunes dans leur lueur. Tout comme une fleur de kaṇikāra est jaune, jaune dans sa couleur, jaune dans ses caractéristiques, jaune dans sa lueur, ou tout comme la mousseline de Bénarès, lisse des deux côtés, est jaune, jaune dans sa couleur, jaune dans ses caractéristiques, jaune dans sa lueur, de la même manière, quelqu'un percevant intérieurement le sans-forme voit les formes extérieures comme jaunes, jaunes dans leur couleur, jaunes dans leurs caractéristiques, jaunes dans leur lueur. En les maîtrisant, il perçoit: 'Je sais, je vois'. Voici le sixième stade de maîtrise.

(vii) Quelqu'un percevant intérieurement le sans-forme voit les formes extérieures comme rouges, rouges dans leur couleur, rouges dans leurs caractéristiques, rouges dans leur lueur. Tout comme une fleur de bandhujīvaka est rouge, rouge dans sa couleur, rouge dans ses caractéristiques, rouge dans sa lueur, ou tout comme la mousseline de Bénarès, lisse des deux côtés, est rouge, rouge dans sa couleur, rouge dans ses caractéristiques, rouge dans sa lueur, de la même manière, quelqu'un percevant intérieurement le sans-forme voit les formes extérieures comme rouges, rouges dans leur couleur, rouges dans leurs caractéristiques, rouges dans leur lueur. En les maîtrisant, il perçoit: 'Je sais, je vois'. Voici le septième stade de maîtrise.

(viii) Quelqu'un percevant intérieurement le sans-forme voit les formes extérieures comme blanches, blanches dans leur couleur, blanches dans leurs caractéristiques, blanches dans leur lueur. Tout comme l'étoile du matin est blanche, blanche dans sa couleur, blanche dans ses caractéristiques, blanche dans sa lueur, ou tout comme la mousseline de Bénarès, lisse des deux côtés, est blanche, blanche dans sa couleur, blanche dans ses caractéristiques, blanche dans sa lueur, de la même manière, quelqu'un percevant intérieurement le sans-forme voit les formes extérieures comme blanches, blanches dans leur couleur, blanches dans leurs caractéristiques, blanches dans leur lueur. En les maîtrisant, il perçoit: 'Je sais, je vois'. Voici le septième stade de maîtrise.

Voici quels sont les huit stades de maîtrise [mentale]. Parmi ce huit stades de maîtrise, voici celui qui est suprême: celui où quelqu'un percevant intérieurement le sans-forme voit les formes extérieures comme blanches, blanches dans leur couleur, blanches dans leurs caractéristiques, blanches dans leur lueur. Il y a des êtres qui perçoivent de cette manière. Mais même les êtres qui perçoivent de cette manière sont soumis au changement et à la transformation. Voyant cela, le noble disciple instruit est désenchanté. Étant désenchanté, il devient dépassionné envers ce qui est suprême, pour ne rien dire de ce qui est inférieur.

(6) Il y a ces quatre manières de progresser vers la réalisation.{3} Quelles sont ces quatre? La manière de progresser qui est désagréable et qui mène lentement à la réalisation, celle qui est désagréable et qui mène rapidement à la réalisation, celle qui est agréable et qui mène lentement à la réalisation, celle qui est agréable et qui mène rapidement à la réalisation. Parmi ces quatre, la manière suprême est celle qui est agréable et qui mène rapidement à la réalisation. Il y a des êtres dont la pratique est telle. Mais même les êtres dont la pratique est telle sont soumis au changement et à la transformation. Voyant cela, le noble disciple instruit est désenchanté. Étant désenchanté, il devient dépassionné envers ce qui est suprême, pour ne rien dire de ce qui est inférieur.

(7) Il y a ces quatre perceptions. Quelles sont ces quatre? Quelqu'un perçoit ce qui est limité [perceptions ordinaires]; quelqu'un perçoit ce qui est exalté [l'esprit en absorption]; quelqu'un perçoit ce qui est incommensurable [l'esprit dans les attitudes de Brahmā]; quelqu'un perçoit la dimension de la vacuité: 'Il n'y a rien'. Parmi ces quatre perceptions, celle qui est suprême est celle de celui qui perçoit la dimension de la vacuité: 'Il n'y a rien'. Il y a des êtres qui perçoivent de cette manière. Mais même les êtres qui perçoivent de cette manière sont soumis au changement et à la transformation. Voyant cela, le noble disciple instruit est désenchanté. Étant désenchanté, il devient dépassionné envers ce qui est suprême, pour ne rien dire de ce qui est inférieur.

(8) Parmi les points de vue extérieurs [au Dhamma], celui-ci est suprême: 'Je ne devrais pas être; cela ne devrait pas m'arriver; je ne serai pas; cela ne m'arrivera pas.'{4} De celui qui adopte ce point de vue, on peut attendre qu'il ne sera pas attiré par le devenir et qu'il n'aura pas d'aversion envers la cessation du devenir. Il y a des êtres qui adoptent ce point de vue. Mais même les êtres qui adoptent ce point de vue sont soumis au changement et à la transformation. Voyant cela, le noble disciple instruit est désenchanté. Étant désenchanté, il devient dépassionné envers ce qui est suprême, pour ne rien dire de ce qui est inférieur.

(9) Il y a des renonçants & brahmanes qui enseignent la 'plus haute purification'.{5} Parmi ceux qui enseignent la 'plus haute purification', ceux qui, transcendant la dimension de la vacuité, entrent et demeurent dans la dimension de ni perception ni non perception, puis enseignent leur doctrine pour la connaissance directe et la réalisation de cela, ceux-là sont suprêmes. Il y a des êtres qui enseignent ainsi. Mais même les êtres qui enseignent ainsi sont soumis au changement et à la transformation. Voyant cela, le noble disciple instruit est désenchanté. Étant désenchanté, il devient dépassionné envers ce qui est suprême, pour ne rien dire de ce qui est inférieur.

(10) Il y a des renonçants & brahmanes qui enseignent le sublime Nibbāna dans l'ici et maintenant. Pour ceux qui enseignent le sublime Nibbāna dans l'ici et maintenant, ce qui est suprême est la libération par le non-attachement, atteinte après avoir vu yathā·bhūtaṃ les six bases du contact sensoriels, leur apparition, leur extinction, leurs satisfactions et leurs dangers. Et alors que j'enseigne cela, que j'indique cela, certains renonçants & brahmanes, à tort, sans fondement, faussement et incorrectement donnent une image déformée de moi de la manière suivante: 'Samana Gotama n'enseigne pas la compréhension complète des plaisirs sensuels, ni de Rūpa, ni des sensations.' Mais j'enseigne bien la compréhension complète des plaisirs sensuels, de Rūpa, et des sensations.{6}

Ayant été calmé, rassasié et rafraîchi dans l'ici et maintenant, je proclame le suprême Nibbāna qui est libéré de l'attachement.





Bodhi leaf



Notes


1. changement: vipariṇāma. D'après le Commentaire, il s'agit de la mort.


2. kasiṇas: il s'agit de disques ou d'objets similaires utilisés comme supports pour la pratique de la méditation de tranquillité (samatha). Le kasiṇa de l'espace et le kasiṇa de la conscience sont respectivement les supports du premier et du second jhāna sans forme, la dimension de l'infinité de l'espace et la dimension de l'infinité de la conscience.


3. quatre manières de progresser vers la réalisation: pour un exposé détaillé, voir AN 4.162.


4. 'Je ne devrais pas être... cela ne m'arrivera pas': en Pali: 'no cassaṃ, no ca me siyā, na bhavissāmi, na me bhavissatī'. Il s'agit d'une sorte de mantra utilisé par des annihilationnistes. Sa signification exacte reste une affaire de conjectures. Le Bouddha a légèrement modifié la formule (no cassa, no ca me siyā, na bhavissati, na me bhavissatī) et l'a incorporée à son enseignement, en le recommandant comme thème de méditation pouvant mener au non-retour.


5. plus haute purification: d'après le Commentaire, il s'agit de la dimension de ni perception ni non perception.


6. compréhension complète des plaisirs sensuels, de la forme, et des sensations: le Commentaire considère ici 'compréhension complète' comme signifiant 'transcendance'. La compréhension complète (ou transcendance) des plaisirs sensuels advient avec l'entrée dans le premier jhāna. La transcendance de Rūpa advient avec le développement des jhānas sans forme (cinquième et supérieurs). La transcendance des sensations advient avec la réalisation de Nibbāna, dans lequel tous les modes de sensation ont été abandonnés.




Traduction proposée par Rémy,
sur la base du travail effectué par Thanissaro Bhikkhu
et Numerical discourses of the Buddha de Nyanaponika Thera et Bhikkhu Bodhi.

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