MN 40
Cūḷa Assapura Sutta
— Le petit récit d’Assapura —

Le Bouddha explique 'le chemin qui convient aux ascètes' comme n'étant pas une simple pratique extérieure d'austérités mais une purification intérieure vis-à-vis des impuretés mentales.




Traduction de Christian Maës


Ainsi ai-je entendu.

En ce temps-là le Seigneur séjournait chez les Aṅgas. Un village des Aṅgas se nomme Assapura et c’est là que le Seigneur s’adressa aux moines :

—Moines !

—Seigneur, lui répondirent les moines.

Le Seigneur leur déclara ceci :

—Les gens vous identifient comme des ascètes, moines. Et si l’on vous demande ce que vous êtes, vous vous reconnaissez comme des ascètes. Et vous que l’on désigne ainsi et qui vous reconnaissez comme tels, vous devez vous exercer de cette façon : “Nous suivrons le chemin qui convient aux ascètes, ainsi notre ascèse sera-t-elle vraie et notre appellation justifiée, les actions grâce auxquelles nous bénéficions de vêtements, de nourriture, de logement et de médicaments contre la maladie, seront très fructueuses (pour les donateurs), dignes d’éloges, et notre vie errante ne restera pas stérile mais sera féconde et productive”.

« Et, moines, comment le moine ne suit-il pas le chemin qui convient aux ascètes ? Si le moine avide n’élimine pas la convoitise, si l’hostile ne met pas fin à l’hostilité, si le colérique n’élimine pas la colère, si le rancunier ne laisse pas tomber la rancune, si le rival ne cesse pas de rivaliser, si le jaloux n’abandonne pas la jalousie, si l’avare ne renonce pas au refus de partager, si le dissimulateur n’arrête pas de dissimuler, si l’hypocrite ne supprime pas l’hypocrisie, si le méchant n’élimine pas les mauvais désirs, si le crédule n’abandonne pas les croyances erronées, tant que ne sont pas éliminés ces qui salissent l’ascète, l’avilissent, l’affaiblissent, le mènent à sa perdition et finiront par le faire souffrir dans les mauvaises destinées, je dis qu’il ne suit pas le chemin qui convient aux ascètes. Il ressemble à une arme de combat à deux tranchants, bien aiguisée, issue du mort, que l’on aurait enveloppée dans une cape qui la recouvrirait entièrement.

« Je ne dis pas, moines, que celui qui porte la cape est un ascète du seul fait qu’il la porte. Je ne dis pas que celui qui va nu est un ascète parce qu’il va nu. Je ne dis pas que celui qui porte constamment (le même vêtement) sale et mouillé de sueur est un ascète seulement parce qu’il le porte. Je ne dis pas que celui qui se baigne (trois fois par jour) est un ascète du seul fait qu’il descend dans l’eau. Je ne dis pas que celui qui vit au pied d’un arbre est un ascète parce qu’il demeure là. Je ne dis pas que celui qui vit en plein air est un ascète du seul fait qu’il reste dehors. Je ne dis pas que celui qui se tient toujours debout est un ascète parce qu’il reste debout. Je ne dis pas que celui qui mange par intermittence (une ou deux fois par mois) est un ascète parce qu’il se conforme à cette pratique. Je ne dis pas que celui qui apprend les mantras est un ascète de ce seul fait. Je n’appelle pas ascète celui qui a un chignon parce qu’il en a un.

« Si, moines, le simple port de la cape suffisait pour que le porteur de cape avide élimine la convoitise, pour que l’hostile élimine l’hostilité, le colérique la colère, le rancunier la rancune, le rival la rivalité, le jaloux la jalousie, l’avare le refus de partager, le dissimulateur la dissimulation, l’hypocrite l’hypocrisie, le méchant les mauvais désirs, et pour que le crédule abandonne les croyances erronées, ses amis et ses compagnons, ses connaissances et ses proches lui feraient mettre la cape dès sa naissance et lui feraient prendre cette habitude : “Viens, toi au beau visage, porte la cape, car en la portant, l’avide élimine la convoitise, l’hostile élimine l’hostilité…” Mais je vois ici certain porteur de cape avide, hostile, colérique, rancunier, rivalisant, jaloux, avare, dissimulateur, hypocrite, méchant, crédule. Par conséquent, je ne dis pas qu’un porteur de cape est un ascète du seul fait qu’il porte celle-ci.

Et si le simple fait d’aller nu… de porter (un vêtement) sale et mouillé… de se baigner… de vivre au pied d’un arbre… de vivre en plein air… de se tenir toujours debout… de manger par intermittence… d’apprendre les mantras… ou d’avoir un chignon suffisait pour que le porteur de chignon avide élimine la convoitise, pour que l’hostile élimine l’hostilité, le colérique la colère, le rancunier la rancune, le rival la rivalité, le jaloux la jalousie, l’avare le refus de partager, le dissimulateur la dissimulation, l’hypocrite l’hypocrisie, le méchant les mauvais désirs, et pour que le crédule abandonne les croyances erronées, ses amis et ses compagnons, ses connaissances et ses proches lui feraient avoir un chignon dès sa naissance et lui feraient prendre cette habitude : “Viens, toi au beau visage, aie un chignon, car il suffit d’en avoir un pour que, avide on élimine la convoitise, hostile on élimine l’hostilité…” Mais je vois ici certain porteur de chignon avide, hostile, colérique, rancunier, rivalisant, jaloux, avare, dissimulateur, hypocrite, méchant, crédule. Par conséquent, je ne dis pas qu’un porteur de chignon est un ascète du seul fait qu’il en a un.

« Et, moines, comment le moine suit-il le chemin qui convient aux ascètes ? Quand le moine avide a éliminé la convoitise, quand l’hostile a éliminé l’hostilité, le colérique la colère, le rancunier la rancune, le rival la rivalité, le jaloux la jalousie, l’avare le refus de partager, le dissimulateur la dissimulation, l’hypocrite l’hypocrisie, le méchant les mauvais désirs, et le crédule les croyances erronées, je dis qu’il suit le chemin qui convient aux ascètes, du fait qu’il a éliminé ces qui salissent l’ascète, l’avilissent, l’affaiblissent, le mènent à sa perdition et finiront par le faire souffrir dans les mauvaises destinées. Il s’observe purifié, il s’observe délivré de ces mauvaises choses pernicieuses. Quand il s’observe ainsi purifié, ainsi délivré, de la joie paraît. Quand il est joyeux vient le ravissement (qui agite tout son corps). Quand il est ravi, la collection (des éléments psychiques) s’apaise. Cette collection étant apaisée, il ressent du bien-être (physique et mental). Et quand il est heureux, il a un état d’être intensément concentré.

« Il diffuse alors dans une direction un état d’esprit empli de bienveillance et il maintient cette attitude. De même dans la deuxième direction. De même dans la troisième. De même dans la quatrième. Et aussi en haut, en bas, en travers, partout, envers tous comme envers lui-même, dans le monde entier. L’état d’esprit plein de bienveillance qu’il diffuse est ample, magnifié, incommensurable, amical et plaisant.

Il diffuse dans une direction un état d’esprit plein de pitié… et l’état d’esprit qu’il diffuse… est ample, magnifié, incommensurable, amical et plaisant.

Il diffuse dans une direction un état d’esprit empli de joie… et l’état d’esprit qu’il diffuse… est ample, magnifié, incommensurable, amical et plaisant.

Il diffuse dans une direction un état d’esprit accompagné de regard-neutre… et l’état d’esprit qu’il diffuse… est ample, magnifié, incommensurable, amical et plaisant.

« S’il y avait, moines, un étang à l’eau transparente, plaisante, fraîche et claire, bordé de rives agréables, et qu’un homme venait de l’est, souffrant de la chaleur, accablé de chaleur, peinant, altéré, assoiffé, quand il arriverait à cet étang, il pourrait étancher sa soif et chasser la chaleur qui le consume. Si un homme venait de l’ouest… du nord… du sud… ou de quelque direction que ce soit, souffrant de la chaleur, accablé de chaleur, peinant, altéré, assoiffé, quand il arriverait à cet étang, il pourrait étancher sa soif et chasser la chaleur qui le consume. D’où qu’il vienne, cet homme qui souffre de la chaleur, qui est accablé de chaleur, peinant, altéré, assoiffé, pourrait étancher sa soif et chasser la chaleur qui le consume quand il parvient à cet étang.

Pareillement, moines, si un homme issu d’une famille de guerriers… d’une famille de brahmanes… d’une famille de commerçants… d’une famille de serviteurs… ou de quelque famille que ce soit, passe du foyer au sans-foyer, accède au et développe ainsi la bienveillance, la pitié, la joie et le regard-neutre, il acquiert une grande paix intérieure. Je dis qu’avec cette paix intérieure il suit le chemin qui convient aux ascètes.

Et si cet homme issu d’une famille de guerriers… d’une famille de brahmanes… d’une famille de commerçants… d’une famille de serviteurs… ou de quelque famille que ce soit, étant passé du foyer au sans-foyer, accède par la destruction des contaminations, dans la réalité présente, à la délivrance spirituelle ou à la délivrance sagace, dépourvue de contaminations, la connaît directement par lui-même, la voit de ses propres yeux et y demeure, il devient ascète (dans le sens ultime) par la destruction des contaminations. »

Ainsi parla le Seigneur.

Les moines furent satisfaits des paroles du Seigneur et ils s’en réjouirent.





Bodhi leaf


Traduit du Pāḷi par Christian Maës.

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