MN 7
Vattha Sutta
— Le récit de l’étoffe —

Ce discours explique avec une analogie simple la différence entre un esprit souillé et un esprit pur.




Traduction de Christian Maës


Ainsi ai-je entendu.

En ce temps-là le Seigneur séjournait, près de Sâvatthi, dans le parc Anâthapiṇḍika du bois Jéta. En cette circonstance le Seigneur s’adressa aux moines :

—Moines !

—Oui, Seigneur, lui répondirent les moines.

Le Seigneur leur dit ceci :

—Si une étoffe est tachée et salie, moines, quand le teinturier la plonge dans un bain pour qu’elle devienne bleue, jaune, rouge ou garance, l’étoffe prend mal la teinture et sa coloration n’est pas uniforme. Pourquoi ? Parce que cette étoffe n’est pas propre. De même, quand l’esprit est souillé, on ne peut espérer avoir qu’une mauvaise destinée (duggati).

Mais si une étoffe est nettoyée et propre, quand le teinturier la plonge dans un bain pour qu’elle devienne bleue, jaune, rouge ou garance, l’étoffe prend bien la teinture et sa coloration est uniforme. Pourquoi ? Parce que cette étoffe est propre. De même, quand l’esprit n’est pas souillé, on peut espérer avoir une bonne destinée (sugati).

Et quelles sont, moines, les souillures de l’esprit (cittassa upakkilesa) ? L’attachement-convoitiseest une souillure de l’esprit, l’aversion… la colère… le ressentiment… l’ingratitude… l’esprit de rivalité… la jalousie… le refus de partager… la dissimulation… la simulation… l’obstination… l’esprit de compétition… se surestimer… se sous-estimer… l’infatuation… l’insouciance est une souillure de l’esprit.

Et, moines, en voyant que l’attachement-convoitise est une souillure de l’esprit, le moine élimine cet attachement-convoitise. En voyant que la colère… le ressentiment… l’ingratitude… l’esprit de rivalité… la jalousie… le refus de partager… la dissimulation… la simulation… l’obstination… l’esprit de compétition… se surestimer… se sous-estimer… l’infatuation… et l’insouciance sont des souillures de l’esprit, le moine élimine ces souillures.

« Et, moines, quand le moine a vu l’attachement-convoitise et les autres facteurs comme des souillures de l’esprit et les a éliminés , il a une confiance raisonnée dans le Bouddha : “Vraiment, le Seigneur est accompli, parfait Bouddha, doué de science et de bonne conduite, bien-allé, connaisseur du monde, suprême, cocher des mâles à dresser, maître des dieux et des hommes, Bouddha, Seigneur ”.

Ce moine a aussi une confiance raisonnée dans le Dhamma : “Vraiment, le Dhamma est bien exposé par le Seigneur, on doit le voir par soi-même, il est immédiat, il a la qualité, il doit être amené, et les savants doivent le connaître en eux-mêmes”.

Ce moine a enfin une confiance raisonnée dans le Saṅgha : “Vraiment, en bon chemin est la communauté des disciples du Seigneur, dans le droit chemin est la communauté des disciples du Seigneur, sur le chemin juste est la communauté des disciples du Seigneur, sur le chemin correct est la communauté des disciples du Seigneur ; elle se compose de quatre paires de personnes, de huit types d’individus. Cette communauté des disciples du Seigneur est digne d’offrandes, digne de cadeaux, digne de sacrifices, digne de salutations mains jointes, elle constitue le meilleur des champs de mérite qui soit au monde.”

« Et dans la mesure où les souillures sont abandonnées, rejetées, lâchées, éliminées et délaissées, le moine est très satisfait d’avoir cette confiance raisonnée dans le Bouddha, il est très lucide sur les causes de sa confiance, une grande joie (pāmujja) l’accompagne, avec la joie naît le ravissement (pīti), avec le ravissement la collection corporelle s’immobilise (passaddhi) ; quand elle s’immobilise, il ressent de la félicité (sukhaṁ), et avec la félicité son esprit se concentre intensément samādhi).

De même, il est très satisfait d’avoir cette confiance raisonnée dans le Dhamma, il est très lucide sur les causes de sa confiance, une grande joie l’accompagne, avec la joie naît le ravissement, avec le ravissement la collection corporelle s’immobilise ; quand elle s’immobilise, il ressent de la félicité, et avec la félicité son esprit se concentre intensément.

De même, il est très satisfait d’avoir cette confiance raisonnée dans le Saṅgha, il est très lucide sur les causes de sa confiance, une grande joie l’accompagne, avec la joie naît le ravissement, avec le ravissement la collection corporelle s’immobilise ; quand elle s’immobilise, il ressent la félicité, et avec la félicité l’esprit se concentre intensément.

De même, il est très satisfait de savoir que les souillures sont abandonnées, rejetées, lâchées, éliminées et délaissées, il est très lucide sur les causes, une grande joie l’accompagne, avec la joie naît le ravissement, avec le ravissement la collection corporelle s’immobilise ; quand elle s’immobilise, il ressent de la félicité, et avec la félicité son esprit se concentre intensément.

« Et quand le moine a cette discipline, moines, qu’il a cette concentration et cette sagacité, il peut manger du riz excellent, sans grains noirs, accompagné de plusieurs sauces et assaisonnements, sans que cela constitue un obstacle pour lui.

Après être passé dans une eau pure, moines, un tissu souillé et couvert de taches devient propre et bien nettoyé. Après être passé dans le creuset, l’or brut est bien purifié et affiné. De même, si le moine qui a cette discipline, cette concentration et cette sagacité mange du riz excellent, sans grains noirs et bien assaisonné, cela ne constitue pas un obstacle pour lui.

« Il diffuse dans une direction un état d’esprit plein de bienveillance (mettā) et il maintient cette attitude. De même dans la deuxième direction. De même dans la troisième. De même dans la quatrième. Et aussi en haut, en bas, en travers, partout, envers tous comme envers lui-même, dans le monde entier. L’état d’esprit plein de bienveillance qu’il diffuse est ample, magnifié, incommensurable, amical et plaisant.

Il diffuse dans une direction un état d’esprit plein de pitié (karuṇā)…

Il diffuse dans une direction un état d’esprit plein de joie (muditā)…

Il diffuse dans une direction un état d’esprit plein de regard-neutre (upekhā)…

« Il reconnaît avec sagacité : “Il y a ceci, il y a l’inférieur, il y a l’excellent, il y a l’ultime échappatoire à cette perception ”.

Quand il connaît cela, quand il voit cela, son esprit est délivré de la contamination par les sens, délivré de la contamination par l’existence, délivré de la contamination par l’aveuglement. Dans la délivrance vient la connaissance “délivré”. Il sait profondément que la naissance est détruite, la vie sainte vécue, fait ce qui était à faire et rien de plus ici-bas.

On dit que ce moine se baigne dans le bain intérieur. »

À ce moment le brahmane Sundarika Bhâradvâja était assis non loin du Seigneur. Il demanda au Seigneur :

—L’honorable Gotama se baigne-t-il dans la rivière Bâhukâ ?

—Pourquoi la rivière Bâhukâ, brahmane ? Que peut faire la rivière Bâhukâ ?

—Beaucoup de gens, honorable Gotama, croient à la délivrance par la rivière Bâhukâ. Beaucoup de gens pensent que la rivière Bâhukâ leur confère du mérite. Beaucoup de gens lavent leurs mauvaises actions dans la rivière Bâhukâ.

Alors le Seigneur déclama ces vers pour le brahmane Sundarika Bhâradvâja :

Le sot aux actions noires ne peut se purifier

en se plongeant dans les eaux de la Bâhukâ,

d’Adhikakka, de Gayâ ou de la Sundarikâ,

de la Sarassatî, de Payâga ou de la rivière Bâhumatî.

Que peut la Sundarika ? Que peut Payâga ? Que peut la rivière Bâhukâ ?

Certainement pas laver les mauvaises actions

de l’homme corrompu et méchant.

Mais quand on est pur, tous les mois sont.

Quand on est pur, tous les jours sont.

Quand on est pur et qu’on agit proprement,

les rites sont toujours fructueux.

Baigne-toi ici, brahmane, et sois en paix avec tous les êtres.

Si tu ne profères pas de mensonges,

si tu n’endommages pas le souffle vital,

si tu ne prends pas ce qui ne t’est pas donné,

si tu as de la conviction et ne refuses pas de partager,

qu’irais-tu faire à Gayâ ?

Pour toi toutes les eaux seront Gayâ.

Ainsi parla le Seigneur. Et le brahmane Sundarika Bhâradvâja lui dit :

—C’est merveilleux, honorable Gotama ! C’est merveilleux, honorable Gotama ! C’est comme si l’honorable Gotama avait redressé ce qui penchait, avait révélé ce qui était caché, avait montré le chemin à l’égaré, et avait apporté une lampe dans l’obscurité pour que ceux qui ont des yeux voient ! C’est ainsi de plusieurs façons que l’honorable Gotama a exposé l’enseignement. Je cherche refuge auprès de l’honorable Gotama, du Dhamma et du Sangha monastique. Puissè-je recevoir l’ordination en présence de l’honorable Gotama ! Puissè-je recevoir aussi l’ordination majeure ! »

Le brahmane Sundarika Bhâradvâja reçut l’ordination mineure en présence du Seigneur, il reçut aussi l’ordination majeure. Peu de temps après son ordination majeure, le vénérable Bhâradvâja demeura solitaire, intériorisé, vigilant, ardent, inébranlable, et il ne lui fallut pas longtemps pour voir de ses propres yeux, par connaissance directe, dans la réalité présente, cet aboutissement insurpassable de la vie sainte pour lequel les fils de bonne famille passent à juste titre du foyer au sans-foyer, il y accéda, il y demeura. Il reconnut “détruite est la naissance, achevée la vie sainte, fait ce qui était à faire et rien de plus ici-bas”. Le vénérable Bhâradvâja fut l’un des accomplis.





Bodhi leaf


Traduit du Pāḷi par Christian Maës.

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