MN 119
Kāyagatāsati Sutta
— Le récit de la vigilance relative au corps —

Voici comment développer la présence d'esprit dirigée vers le corps, ainsi que les bienfaits qu'elle procure.




Traduction de Christian Maës


Ainsi ai-je entendu.

En ce temps-là le Seigneur séjournait près de Sâvatthi, dans le parc Anâthapiṇḍika du bois Jéta.

Après leur repas, une fois revenus de leur tournée d’aumônes, des moines en grand nombre se rassemblèrent dans une salle de réunion. ils s’y installèrent et ils eurent cette conversation informelle :

—Il est merveilleux, mes amis, il est admirable à quel point le Seigneur qui sait, qui voit, qui est accompli et parfait Bouddha, a bien dit que la vigilance relative au corps (kāyagatā sati), bien cultivée et beaucoup pratiquée, produit de grands effets et procure quantité d’avantages…

Mais cette discussion entre les moines resta inachevée car, vers le soir, le Seigneur était sorti de sa solitude, il s’était rendit à la salle de réunion et s’y était assis sur le siège préparé. Une fois bien assis, il demanda aux moines :

—De quoi parliez-vous, moines, dans cette réunion ? Quelle discussion s’est trouvée interrompue ?

—Après le repas, Seigneur, de retour de notre tournée d’aumônes, nous nous sommes rassemblés dans cette salle de réunion, nous nous y sommes installés et notre conversation informelle a pris la tournure que voici : il est merveilleux, mes amis, il est admirable à quel point le Seigneur qui sait, qui voit, qui est accompli et parfait Bouddha, a bien dit que la vigilance relative au corps, bien cultivée et beaucoup pratiquée, produit de grands effets et procure quantité d’avantages. Voilà où en était notre discussion quand le Seigneur est arrivé.

—Comment donc, moines, bien cultiver et beaucoup pratiquer la vigilance relative au corps pour qu’elle produise de grands effets et procure quantité d’avantages ? De la façon suivante :

Un moine va dans la forêt, au pied d’un arbre ou dans un habitat vide. Il s’assied, croise les jambes, redresse le corps et il établit la vigilance devant lui. Vigilant, il inspire. Vigilant, il expire.

Quand il inspire longuement, il reconnaît qu’il inspire longuement.

Quand il expire longuement, il reconnaît qu’il expire longuement.

Quand il inspire brièvement, il reconnaît qu’il inspire brièvement.

Quand il expire brièvement, il reconnaît qu’il expire brièvement.

Il s’exerce : “J’inspirerai… J’expirerai en connaissant toute la collection (des inspirs-expirs)”.

Il s’exerce : “J’inspirerai… J’expirerai en apaisant l’activité corporelle (kāyasaṅkhāra)”.

Quand il demeure ainsi attentif, ardent et déterminé, les pensées telles que celles qui trottent dans la tête des laïcs (relativement aux objets des cinq sens) sont éliminées. Grâce à cette disparition, son attention reste tournée vers l’intérieur, se stabilise, s’unifie et se concentre. Voilà comment le moine cultive la vigilance relative au corps.

« De plus, moines, quand il marche, le moine reconnaît avec sagacité qu’il marche ; qu’il est debout quand il se tient debout ; qu’il est assis quand il reste assis ; et qu’il est couché quand il reste couché. Quand il demeure ainsi attentif, ardent et déterminé, les pensées telles que celles qui trottent dans la tête des laïcs sont éliminées. Grâce à cette disparition, son attention reste tournée vers l’intérieur, se stabilise, s’unifie et se concentre. Voilà comment le moine cultive la vigilance relative au corps.

« En outre, moines, quand il avance ou recule, le moine agit en toute sagacité. Quand il regarde devant lui ou de côté, il agit en toute sagacité. Quand il plie ou étend les membres, il agit en toute sagacité. Quand il porte la cape, le bol et la robe, il agit en toute sagacité. Quand il mange, boit, mâche ou savoure, il agit en toute sagacité. Quand il urine ou défèque, il agit en toute sagacité. Quand il marche, quand il se tient debout, assis ou couché, il agit en toute sagacité. Quand il est éveillé, quand il parle ou se tait, il agit en toute sagacité. Quand il demeure ainsi attentif, ardent et déterminé, les pensées telles que celles qui trottent dans la tête des laïcs sont éliminées. Grâce à cette disparition, son attention reste tournée vers l’intérieur, se stabilise, s’unifie et se concentre. Voilà comment le moine cultive la vigilance relative au corps.

« De plus, moines, le moine inspecte ce corps depuis le bas, la plante des pieds, jusqu’en haut, la pointe des cheveux, délimité par la peau et plein de saletés variées : il y a dans ce corps les cheveux, les poils, les ongles, les dents, la peau, la chair, les ligaments, les os, la moelle, les reins, le cœur, le foie, la membrane, la rate, les poumons, le tube digestif, l’attache du tube digestif, le contenu de l’estomac, les fèces, la cervelle, la bile, le flegme, le pus, le sang, la sueur, la graisse, les larmes, le sébum, la salive, la morve, la synovie et l’urine.

Lorsqu’un sac à deux ouvertures est rempli de graines variées—paddy, haricots, fèves, sésame et riz—un homme doué d’une bonne vue peut l’ouvrir et l’examiner : “Voici du paddy, voilà des haricots, ici ce sont des fèves et là du sésame, et voici du riz”. De même, le moine inspecte ce corps… il y a les cheveux… et l’urine. Quand il demeure ainsi attentif, ardent et déterminé, les pensées telles que celles qui trottent dans la tête des laïcs sont éliminées. Grâce à cette disparition, son attention reste tournée vers l’intérieur, se stabilise, s’unifie et se concentre. Voilà comment le moine cultive la vigilance relative au corps.

« En outre, moines, le moine examine sous l’angle des éléments (dhātu) ce même corps tel qu’il se tient, tel qu’il est positionné : “Il y a dans ce corps l’élément terre, l’élément eau, l’élément feu et l’élément vent”. Un boucher chevronné ou un apprenti boucher peut abattre une vache, en disposer les morceaux à un grand carrefour et s’asseoir. De la même façon, le moine examine sous l’angle des éléments ce même corps tel qu’il se tient, tel qu’il est positionné : “Il y a dans ce corps l’élément terre, l’élément eau, l’élément feu et l’élément vent”. Quand il demeure ainsi attentif, ardent et déterminé, les pensées telles que celles qui trottent dans la tête des laïcs sont éliminées. Grâce à cette disparition, son attention reste tournée vers l’intérieur, se stabilise, s’unifie et se concentre. Voilà comment le moine cultive la vigilance relative au corps.

« De plus, moines, le moine compare son corps au cadavre qu’il peut voir gisant dans un charnier, mort depuis un jour, deux jours ou trois jours, gonflé, bleuâtre, suppurant : “Mon corps a la même nature que celui-ci, le même destin auquel il ne peut échapper”. Quand il demeure ainsi attentif, ardent et déterminé, les pensées telles que celles qui trottent dans la tête des laïcs sont éliminées. Grâce à cette disparition, son attention reste tournée vers l’intérieur, se stabilise, s’unifie et se concentre. Voilà comment le moine cultive la vigilance relative au corps.

En outre, le moine compare son corps au cadavre qu’il voit gisant dans un charnier, dévoré par les corbeaux, les gypaètes, les vautours, les chiens, les chacals ou d’autres animaux… au squelette gisant dans un charnier, chaîne d’os reliés par les ligaments, tachés de sang avec encore de la chair attachée… au squelette gisant dans un charnier, chaîne d’os reliés par des ligaments, tachés de sang mais sans chair… au squelette gisant dans un charnier, chaîne d’os reliés par des ligaments, sans plus de sang ni de chair… aux restes qui gisent dans un charnier, ossements détachés et dispersés dans plusieurs directions—ici un os de la main et là un os du pied, ici un os de la jambe et là un os de la cuisse, ici un os de la hanche et là le crâne… aux restes qui gisent dans un charnier, ossements blanchis comme des coquillages… aux restes qui gisent dans un charnier, ossements empilés vieux de plus d’un an… aux restes qui gisent dans un charnier, ossements en décomposition, tombant en poussière : “Mon corps a la même nature que celui-ci, le même destin auquel il ne peut échapper”. Quand il demeure ainsi attentif, ardent et déterminé, les pensées telles que celles qui trottent dans la tête des laïcs sont éliminées. Grâce à cette disparition, son attention reste tournée vers l’intérieur, se stabilise, s’unifie et se concentre. Voilà comment le moine cultive la vigilance relative au corps.

« De plus, moines, en s’isolant du sensoriel et en s’isolant des agents pernicieux, le moine accède au premier jhâna—lequel comporte prise-ferme et application-soutenue—, et il y demeure. Il imbibe son corps, l’imprègne, l’emplit, le remplit du bonheur joyeux né de l’isolement, et il n’y a rien dans son corps qui ne soit touché par ce bonheur.

Quand un maître de bain ou un garçon de bain habiles répandent de la poudre de bain sur un plateau de bronze et la malaxe en l’arrosant d’eau de façon répétée, cette pâte de bain s’humidifie, s’imbibe d’eau, et l’humidité en atteint toutes les parcelles sans qu’il y ait aucun écoulement. De la même façon, le moine imbibe son corps, l’imprègne, l’emplit, le remplit du bonheur joyeux né de l’isolement, et il n’y a rien dans son corps qui ne soit touché par ce bonheur joyeux.

« En outre, moines, par la disparition de la prise-ferme et de l’application-soutenue, le moine accède au deuxième jhâna qui consiste en assurance-sereine intérieure et en élévation unique de l’esprit, qui est dépourvu de prise-ferme et d’application-soutenue, et consiste en un ravissement-félicité né de la concentration, et il y demeure. Il imbibe son corps, l’imprègne, l’emplit, le remplit du bonheur joyeux né de la concentration, et il n’y a rien dans son corps qui ne soit touché par ce bonheur joyeux.

Imaginez un lac alimenté de l’intérieur sans qu’il reçoive d’affluents à l’est, à l’ouest, au nord ni au sud, et sans que le dieu (de la pluie) ne pleuve de temps à autre (l’eau du lac ne serait agitée ni troublée par rien). L’eau fraîche qui alimente ce lac pénétrerait partout dans celui-ci, l’imprégnerait, l’emplirait, le remplirait, et aucun point du lac ne resterait sans être atteint par cette eau fraîche. De la même façon, le moine imbibe son corps, l’imprègne, l’emplit, le remplit du bonheur joyeux né de la concentration, et il n’y a rien dans son corps qui ne soit touché par ce bonheur joyeux.

« De plus, moines, en se détachant aussi du ravissement, le moine maintient un regard-neutre. Vigilant et pleinement conscient, il ressent physiquement le bonheur et accède à ce troisième jhâna à propos duquel les sages déclarent “on reste neutre et vigilant dans le bonheur”, et il y demeure. Il imbibe son corps, l’imprègne, l’emplit, le remplit de ce bonheur débarrassé de la joie, et il n’y a rien dans son corps qui ne soit touché par ce bonheur.

« Dans un étang de lotus blancs, rouges ou bleus, certains de ces lotus naissent dans l’eau et se développent dans l’eau sans en sortir, ils croissent immergés. Ils sont recouverts par l’eau fraîche, baignés, envahis, recouverts, et il n’y a aucune partie de ces lotus qui ne soit atteinte par l’eau fraîche. De la même façon, le moine imbibe son corps, l’imprègne, l’emplit, le remplit de ce bonheur débarrassé de la joie, et il n’y a rien dans son corps qui ne soit touché par ce bonheur.

« En outre, moines, par l’élimination du plaisir et l’élimination de la douleur, par la disparition antérieure des satisfactions et des insatisfactions, le moine accède au quatrième jhâna, ni désagréable ni agréable, qui consiste en pureté de la vigilance par le regard-neutre, et il y demeure. Il reste assis en imprégnant son corps d’un état d’être immaculé et rayonnant, et il n’y a rien dans son corps qui ne soit touché par cet état d’être immaculé et rayonnant.

Il est pareil à un homme assis qui se serait enroulé, tête comprise, dans un tissu immaculé serré autour de toutes les parties de son corps sans en excepter aucune. De la même façon, le moine reste assis en imprégnant son corps de cet état d’être immaculé et rayonnant, et il n’y a rien dans son corps qui ne soit touché par cet état d’être. Quand il demeure ainsi attentif, ardent et déterminé, les pensées telles que celles qui trottent dans la tête des laïcs sont éliminées. Grâce à cette disparition, son attention reste tournée vers l’intérieur, se stabilise, s’unifie et se concentre. Voilà comment le moine cultive la vigilance relative au corps.

« Si, moines, quelqu’un a cultivé et beaucoup pratiqué la vigilance relative au corps, toutes les manifestations (dhammā) bénéfiques se fondent dans la sapience (vijjā) à laquelle elles contribuent.

Pour autant que le grand océan est perceptible par l’esprit, tous les fleuves se fondent dans cet océan où ils se jettent. De même, chez celui qui a bien cultivé et beaucoup pratiqué la vigilance relative au corps, toutes les manifestations bénéfiques se fondent dans la sapience à laquelle elles contribuent.

« Si un moine n’a pas bien cultivé ni beaucoup pratiqué la vigilance relative au corps, Mâra peut trouver une faille chez lui, il peut avoir prise sur lui. Si un homme jette une lourde pierre sur un tas d’argile humide, croyez-vous, moines, que cette grosse pierre va s’enfoncer dans l’argile ?

—Certainement, Seigneur.

—De la même façon, moines, Mâra peut trouver une faille et avoir prise sur celui qui n’a pas bien cultivé ni beaucoup pratiqué la vigilance relative au corps.

« S’il y a un morceau de bois sec et sans sève, et qu’un homme vient avec un bâton à feu en pensant allumer le feu et lui faire produire de la chaleur, pensez-vous, moines, que cet homme va faire du feu et obtenir de la chaleur en frottant le morceau de bois sec et sans sève avec le bâton à feu qu’il a apporté ?

—Certainement, Seigneur.

—De la même façon, moines, Mâra peut trouver une faille et avoir prise sur celui qui n’a pas bien cultivé ni beaucoup pratiqué la vigilance relative au corps.

« S’il y a une grande jarre totalement vide posée sur son socle et qu’un porteur vient avec une charge d’eau, croyez-vous, moines, que cet homme va pouvoir y déverser son eau ?

—Assurément, Seigneur.

—De la même façon, moines, Mâra peut trouver une faille et avoir prise sur celui qui n’a pas bien cultivé ni beaucoup pratiqué la vigilance relative au corps.

« Mais pour celui qui a bien cultivé et beaucoup pratiqué la vigilance relative au corps, Mâra ne peut pas trouver de faille, il ne peut pas avoir prise sur lui.

Si un homme lance une légère pelote de fil sur un panneau de porte tout en bois dur, pensez-vous, moines, que cette légère pelote de fil peut s’ouvrir un passage à travers le panneau ?

—Certainement pas, Seigneur.

De la même façon, moines, Mâra ne peut trouver aucune faille ni avoir aucune prise sur celui qui a bien cultivé et beaucoup pratiqué la vigilance relative au corps.

« S’il y a un morceau de bois humide et séveux et qu’un homme vient avec un bâton à feu en pensant allumer un feu et lui faire produire de la chaleur, pensez-vous, moines, que cet homme va pouvoir faire du feu et obtenir de la chaleur en frottant le morceau de bois humide et séveux avec le bâton à feu qu’il a apporté ?

—Certainement pas, Seigneur.

De la même façon, moines, Mâra ne peut trouver aucune faille ni avoir aucune prise sur celui qui a bien cultivé et beaucoup pratiqué la vigilance relative au corps.

« Si une grande jarre posée sur son socle est pleine jusqu’au bord au point que les corbeaux peuvent y boire et si un porteur vient avec une charge d’eau, pensez-vous, moines, qu’il va pouvoir y déverser son eau ?

—Certainement pas, Seigneur.

De la même façon, moines, Mâra ne peut trouver aucune faille ni avoir aucune prise sur celui qui a bien cultivé et beaucoup pratiqué la vigilance relative au corps.

« Si celui qui a bien cultivé et beaucoup pratiqué la vigilance relative au corps dirige son attention afin de voir lui-même, par connaissance directe (abhiññā), tantôt une réalité (dhamma) tantôt une autre de celles qu’il faut voir soi-même par connaissance directe, il en a l’expérience immédiate dès que le domaine (āyatana) s’en manifeste.

S’il y a une grande jarre posée sur son socle, pleine jusqu’au bord au point que les corbeaux peuvent y boire, et si un homme robuste l’incline tantôt d’un côté tantôt de l’autre, l’eau s’écoule-t-elle tantôt par ici tantôt par là ?

—Certainement, Seigneur.

—De la même façon, si celui qui a bien cultivé et beaucoup pratiqué la vigilance relative au corps dirige son attention afin de voir lui-même, par connaissance directe, tantôt une réalité tantôt une autre de celles qu’il faut voir soi-même par connaissance directe, il en a l’expérience immédiate dès que le domaine s’en manifeste.

« S’il y a un réservoir carré délimité par des digues sur une étendue de sol plat, rempli d’eau, plein à ras-bord au point que les corbeaux peuvent y boire, et si un homme robuste ouvre tantôt une digue tantôt une autre, l’eau s’écoule-t-elle tantôt ici tantôt là ?

—Certainement, Seigneur.

« De la même façon, celui qui a bien cultivé et beaucoup pratiqué la vigilance relative au corps dirige son attention afin de voir lui-même, par connaissance directe, tantôt une réalité tantôt une autre de celles qu’il faut voir soi-même par connaissance directe, il en a l’expérience immédiate dès que le domaine s’en manifeste.

« S’il y a sur le sol uni d’un grand carrefour un char attelé d’un pur-sang et muni d’un aiguillon, et si un habile cocher, passé maître dans le dressage des chevaux, y monte, prend les rênes de la main gauche et l’aiguillon de la main droite, il peut faire avancer et reculer le char comme il veut, là où il veut. De la même façon, celui qui a bien cultivé et beaucoup pratiqué la vigilance relative au corps incline son esprit afin de voir lui-même, par connaissance directe, tantôt une réalité tantôt une autre de celles qu’il faut voir soi-même par connaissance directe, il en a l’expérience immédiate dès que le domaine s’en manifeste.

« On peut attendre dix avantages, moines, d’une vigilance assidue au corps, bien cultivée, beaucoup pratiquée, prise pour véhicule, prise pour support, bien suivie, devenue familière et pleinement saisie. Lesquels ?

On maîtrise plaisirs et déplaisirs, on ne se laisse pas dominer par les déplaisirs et on surmonte le déplaisir chaque fois qu’il se manifeste.

On maîtrise les craintes et les raisons d’avoir peur, on ne se laisse pas dominer par elles et on les surmonte chaque fois qu’elles se manifestent.

On supporte patiemment le froid et le chaud, la faim et la soif, le contact des taons, des mouches, du vent, de la brûlure et des reptiles, les paroles blessantes ou déplaisantes, on est capable d’endurer des douleurs corporelles aiguës, violentes, pénibles, affligeantes, sévères et même mortelles.

On obtient à volonté les quatre jhânas, ces états heureux dans la réalité présente associés à une conscience supérieure, on les obtient sans peine, on les obtient sans difficulté.

On a l’expérience des réussites multiformes : étant un on devient multiple, étant multiple on redevient un, on rend visible, on rend invisible, on traverse un mur, une enceinte ou une montagne sans être freiné, comme si c’était de l’espace, on émerge de la terre et on y plonge comme si c’était de l’eau, on marche sur l’eau sans qu’elle s’ouvre comme si c’était de la terre, on va jambes croisées dans l’espace comme un oiseau ailé, on touche et frotte de la main la lune et le soleil qui sont tellement merveilleux, tellement prodigieux, et on exerce physiquement son pouvoir jusqu’au monde de Brahma.

Avec l’oreille divine bien purifiée et plus qu’humaine, on entend les deux sortes de sons, divins et humains, lointains et proches.

On sonde et on connaît avec son esprit l’état d’être des autres personnes, des autres individus : on connaît un état d’être avec attachement comme état d’être avec attachement, un état d’être sans attachement… avec aversion… sans aversion… avec confusion… sans confusion… étriqué… dispersé… magnifié… non magnifié… dépassable… indépassable… intensément concentré… non concentré… délivré… un état d’être non délivré comme état d’être non délivré.

On se remémore des habitats antérieurs variés, à savoir une naissance, deux naissances, trois, quatre, cinq, dix, vingt, trente, quarante, cinquante, cent, mille, cent mille naissances, plusieurs ères de destruction, plusieurs ères d’édification, plusieurs ères de destruction et d’édification : “J’eus là tel nom, telle lignée, telle couleur, telle nourriture, je connus tel bonheur et tel malheur, j’eus telle durée de vie. Quand je décédai, je naquis à un endroit où j’eus tel nom, telle lignée, telle couleur, telle nourriture, où je connus tel bonheur et tel malheur, et où j’eus telle durée de vie. Quand je décédai, je naquis ici”. Ainsi se remémore-t-on des habitats antérieurs variés avec leurs aspects et leurs désignations.

« Avec l’œil divin bien purifié et plus qu’humain, on voit les êtres mourant et renaissant, inférieurs ou supérieurs, beaux ou laids, fortunés ou infortunés. On reconnaît que le parcours des êtres dépend de leurs actions (kamma) : “Les êtres qui se conduisent mal physiquement, verbalement et mentalement, qui critiquent les Purs (ariya), qui ont des croyances erronées et qui agissent sous l’effet de croyances erronées, accèdent, lors de la brisure du corps ou plus tard après la mort, à une perdition, une mauvaise destinée, une déchéance, un enfer. Les êtres qui se conduisent bien physiquement, verbalement et mentalement, qui ne critiquent pas les Purs, qui ont des croyances justes et qui agissent sous l’effet de croyances justes, accèdent, lors de la brisure du corps ou après la mort, à une bonne destinée, un monde céleste.” C’est ainsi qu’avec l’œil divin… on reconnaît que le parcours des êtres dépend de leurs actions.

Par la destruction des contaminations, on voit de ses propres yeux, par connaissance directe, dans la réalité présente, la Délivrance spirituelle ou la Délivrance par la sagacité, dépourvue de contamination, on y accède, on y demeure.

Tels sont, moines, les dix avantages qu’on peut attendre d’une vigilance assidue au corps, bien cultivée, beaucoup pratiquée, prise pour véhicule, prise pour support, bien suivie, devenue familière et pleinement saisie. »

Ainsi parla le Seigneur.

Les moines furent satisfaits et se réjouirent des paroles du Seigneur.





Bodhi leaf


Traduit du Pāḷi par Christian Maës.

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