MN 37
Cūḷa Taṇhāsaṅkhaya Sutta
— Le petit récit de la complète destruction des désirs —

Le vénérable Mahamoggallana entend le Bouddha donner une explication brève à Sakka, le roi des dévas, au sujet de la manière dont un bhikkhou est libéré par la destruction de l'avidité. Souhaitant savoir si Sakka a bien compris le sens, il se rend dans le paradis des Trente-trois pour s'en assurer.




Traduction de Christian Maës


Ainsi ai-je entendu.

En ce temps-là le Seigneur séjournait, près de Sâvatthi, dans le palais Migâramâtu du Parc de l’Est.

Or Sakka, le roi des dieux, vint trouver le Seigneur. Il le salua en arrivant et resta convenablement debout. Ainsi debout, Sakka le roi des dieux demanda au Seigneur :

—En bref, Seigneur, de quelle façon un moine se délivre-t-il par la complète destruction des désirs, est-il totalement abouti, assuré contre tous liens, dans l’ultime vie sainte, définitivement achevé, le meilleur des dieux et des hommes ?

—Ici, roi des dieux, un moine entend qu’il faut cesser entièrement d’adhérer aux choses. Quand il a entendu qu’il fallait entièrement cesser d’adhérer aux choses, il connaît directement toutes choses (grâce à la pleine connaissance du connu, comme temporaires, insatisfaisantes et conditionnées). Ayant connu directement toutes choses, il les connaît pleinement (grâce à la pleine connaissance scrutatrice). Quand il a connu pleinement toutes choses, quel que soit le ressenti qu’il éprouve, agréable, désagréable ou neutre, il y contemple le caractère temporaire, il y contemple le détachement, il y contemple l’arrêt, il y contemple le lâcher prise. Quand il y a contemplé le caractère temporaire, contemplé le détachement, contemplé l’arrêt, contemplé le lâcher prise, il ne s’attache plus à rien dans le monde. Comme il ne s’attache plus, il ne désire plus. Comme il ne désire plus, il s’éteint de lui-même (par complète extinction de toute souillure, de tout désir) et il reconnaît avec sagacité que la naissance est détruite, la vie sainte achevée, fait ce qui était à faire, et rien de plus ici-bas. Voilà en bref, roi des dieux, comment un moine se délivre par la complète destruction des désirs, comment il devient totalement abouti, assuré contre les liens, dans l’ultime vie sainte, définitivement achevé, le meilleur des dieux et des hommes.

Alors Sakka, le roi des dieux, fut satisfait des paroles du Seigneur et il s’en réjouit. Il salua le Seigneur, le garda à sa droite et disparut tout soudain.

Pendant ce temps le vénérable Moggallâna le Grand était assis non loin (dans une hutte contiguë) et il eut cette pensée : “Cet esprit s’est-il réjoui du discours du Seigneur parce qu’il l’a compris ? Ou non ? Pourquoi n’apprendrais-je pas de cet esprit s’il s’est réjoui des paroles du Seigneur en les ayant comprises ?”. Et à la façon d’un homme robuste qui étend son bras plié ou plie son bras tendu, le vénérable Moggallâna disparut du palais de Migâramâtu dans le Parc de l’Est et apparut chez les dieux Trente-Trois.

À ce moment Sakka le roi des dieux jouissait, dans le Parc de l’Unique lotus blanc, de cinq centaines d’instruments de musique divins qui le ravissaient et l’envoutaient. Il vit de loin approcher le vénérable Moggallâna, imposa silence aux instruments, se dirigea vers le vénérable et, une fois près de lui, l’accueillit :

—Viens, honorable Moggallâna, bienvenue à l’honorable Moggallâna, il y a longtemps que l’honorable Moggallâna n’a pas fait le détour pour venir ici. Assieds-toi, honorable Moggallâna, ce siège est prêt.

Le vénérable Moggallâna s’assit sur le siège préparé. Sakka, le roi des dieux, prit un siège plus bas et s’assit convenablement. Quand Sakka fut bien assis, le vénérable Moggallâna lui dit :

—Il serait bon que nous entendions nous aussi comment le Seigneur t’a décrit en bref, Kosiya, la délivrance par la complète destruction des désirs.

—Mais nous avons beaucoup à faire, honorable Moggallâna, bien des devoirs à remplir, un peu pour nous et beaucoup pour les dieux Trente-Trois. Et de plus, ce que nous avons bien entendu, bien saisi, bien considéré et bien compris, s’évanouit en un instant. Il y eut autrefois, honorable Moggallâna, une bataille rangée entre les dieux et les Asuras. Dans ce combat les dieux furent vainqueurs, et les Asuras vaincus. Ayant gagné ce combat, je revins après la victoire et j’édifiai le Palais du Victorieux. Ce palais a cent terrasses, chaque terrasse sept pavillons à pignon, chaque pavillon sept nymphes merveilleuses, et chaque nymphe sept servantes. Ne désirerais-tu pas, honorable Moggallâna, voir les charmes de ce Palais du Victorieux ?

Le vénérable Moggallâna y consentit en gardant le silence. Alors Sakka et (son confident) le grand roi Vessavaṇa firent passer le vénérable Moggallâna devant eux et se dirigèrent avec lui vers le Palais du Victorieux. Les servantes de Sakka virent de loin le vénérable Moggallâna qui approchait. En le voyant elles prirent une attitude modeste et retenue, et chacune d’elles rentra dans sa chambre. Sakka le roi des dieux et le grand roi Vessavaṇa firent visiter le palais au vénérable Moggallâna au cours d’une longue promenade :

—Voici de ce côté, honorable Moggallâna, un agrément du Palais du Victorieux, et voilà dans cette aile un autre raffinement.

—Cela glorifie le vénérable Kosiya comme celui qui a gagné ce mérite auparavant. Les hommes aussi, quand ils voient quelque spectacle agréable, disent qu’il glorifie les dieux Trente-Trois. Et cela glorifie le vénérable Kosiya comme celui qui a gagné ce mérite auparavant.

Puis le vénérable Moggallâna eut cette pensée : “Assurément cet esprit vit dans l’insouciance, je pourrais l’effrayer” (pour le sortir de cet état). Il composa alors une magie telle qu’il put ébranler le Palais du Victorieux avec son gros orteil, le faire trembler, le secouer. Sakka le roi des dieux, le grand roi Vessavaṇa et les dieux Trente-Trois furent émerveillé : “Merveilleux, extraordinaires sont les pouvoirs magiques de cet ascète, sa grande capacité : avec son gros orteil il peut ébranler un domaine divin, le faire trembler, le secouer”.

Le vénérable Moggallâna reconnut que Sakka était perturbé et que ses poils se hérissaient, et il lui dit :

—Il serait bon que nous entendions nous aussi comment le Seigneur t’a décrit en bref, Kosiya, la délivrance par la complète destruction des désirs.

—Voici, honorable Moggallâna. J’allai trouver le Seigneur, je le saluai en arrivant et restai convenablement debout. ainsi debout je demandai au Seigneur : “En bref, Seigneur, de quelle façon un moine se délivre-t-il par la complète destruction des désirs… (le texte reprend intégralement la conversation jusqu’à) … voilà en bref, roi des dieux, comment un moine se délivre par la complète destruction des désirs, comment il devient totalement abouti, assuré contre les liens, dans l’ultime vie sainte, définitivement achevé, le meilleur des dieux et des hommes”. Voilà, honorable Moggallâna, comment le Seigneur me décrivit en bref la complète destruction des désirs.

Le vénérable Moggallâna fut alors satisfait des paroles du Sakka le roi des dieux et il s’en réjouit. Puis, de même qu’un homme robuste étend son bras plié ou plie son bras tendu, le vénérable Moggallâna disparut de chez les dieux Trente-Trois et apparut dans le palais de Migâramâtu au Parc de l’Est.

Il n’y avait pas longtemps que le vénérable était parti quand les servantes demandèrent à Sakka le roi des dieux :

—Celui-ci, messire, est-il le Seigneur ton maître ?

—Non, mesdames, il n’est pas le Seigneur mon maître, mais mon compagnon dans la vie sainte, le vénérable Moggallâna.

—C’est un bon acquis pour toi, messire, d’avoir un compagnon dans la vie sainte avec de tels pouvoirs, avec une telle capacité, et assurément un maître comme le Seigneur.



*


Le vénérable Moggallâna se rendit auprès du Seigneur, il le salua en arrivant et s’assit convenablement. Une fois bien assis, le vénérable Moggallâna demanda au Seigneur :

—Ne vous rappelez-vous pas, Seigneur, avoir énoncé en bref la délivrance par la complète destruction des désirs à quelque esprit très puissant ?

—Je me rappelle, Moggallâna, que Sakka le roi des dieux est venu ici, qu’il m’a salué en arrivant, qu’il est resté convenablement debout et qu’ainsi debout il m’a demandé : “En bref, Seigneur, de quelle façon un moine se délivre-t-il par la complète destruction des désirs, est-il totalement abouti, assuré contre tous liens, dans l’ultime vie sainte, définitivement achevé, le meilleur des dieux et des hommes ?” Ainsi a-t-il parlé, et j’ai dit à Sakka le roi des dieux : “Ici, roi des dieux, un moine entend qu’il faut entièrement cesser d’adhérer aux choses. Quand il a entendu qu’il fallait entièrement cesser d’adhérer aux choses, il connaît directement toutes choses. Ayant connu directement toutes choses, il les connaît pleinement. Quand il a connu pleinement toutes choses, quel que soit le ressenti qu’il éprouve, agréable, désagréable ou neutre, il y contemple le caractère temporaire, il y contemple le détachement, il y contemple l’arrêt, il y contemple le lâcher prise. Quand il y a contemplé le caractère temporaire, contemplé le détachement, contemplé l’arrêt, contemplé le lâcher prise, il ne s’attache plus à rien dans le monde. Comme il ne s’attache plus, il ne désire plus. Comme il ne désire plus, il s’éteint de lui-même et reconnaît avec sagacité que la naissance est détruite, la vie sainte achevée, fait ce qui était à faire, et rien de plus ici-bas. Voilà en bref, roi des dieux, comment un moine se délivre par la complète destruction des désirs, comment il devient totalement abouti, assuré contre les liens, dans l’ultime vie sainte, définitivement achevé, le meilleur des dieux et des hommes.” Voilà, Moggallâna, comment je me rappelle avoir énoncé en bref à Sakka, le roi des dieux, la délivrance par la complète destruction des désirs. »

Ainsi parla le Seigneur.

Le vénérable Moggallâna fut satisfait des paroles du Seigneur et il s’en réjouit.





Bodhi leaf


Traduit du Pāḷi par Christian Maës.

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